2009-05-26 Committee on Institutions

Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions
Version finale

39th Legislature, 1st Session
(January 13, 2009 au February 22, 2011)
Tuesday, May 26, 2009 – Vol. 41 N° 16

Étude détaillée du projet de loi n° 9 – Loi modifiant le Code de procédure civile pour prévenir l’utilisation abusive des tribunaux et favoriser le respect de la liberté d’expression et la participation des citoyens aux débats publics

Table des matières

Remarques préliminaires

Mme Kathleen Weil
Mme Véronique Hivon

Étude détaillée

Préambule
Dispositions générales
Les tribunaux
De la compétence des tribunaux
Des pouvoirs des tribunaux et des juges
Document déposé
Document déposé
Règles applicables à toutes les demandes en justice
Des actions et des procédures manifestement mal fondées ou frivoles
De la gestion de l’instance
Exécution des jugements
De l’exécution forcée des jugements
Dispositions préliminaires
Prise d’effet
Rapport sur la mise en oeuvre de la loi
Entrée en vigueur
Articles en suspens

Remarques finales

Mme Véronique Hivon
Mme Kathleen Weil

Autres intervenants

M. Claude Bachand, vice-président
M. Pierre Marsan, président suppléant
Mme Stéphanie Vallée
* Mme Marie-José Longtin, ministère de la Justice
* Témoin interrogé par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures vingt-huit minutes)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, à l’ordre, messieurs mesdames, même si l’ordre est déjà quand même bien établi. Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder à l’étude détaillée du projet de loi n° 9, Loi modifiant le Code de procédure civile pour prévenir l’utilisation abusive des tribunaux et favoriser le respect de la liberté d’expression et la participation des citoyens aux débats publics.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, je vous souhaite la bienvenue, chers membres de la commission. Mme la ministre, vous êtes toujours la bienvenue dans notre commission, particulièrement ce matin pour la présentation de votre projet de loi. Donc, du côté de l’opposition, bien sûr, l’opposition officielle, Mme la porte-parole de l’opposition officielle en matière de justice, bienvenue. M. le député de Saint-Jean, vous êtes le bienvenu à notre commission.

Remarques préliminaires

Donc, sans plus tarder, nous débutons les remarques préliminaires. Donc, Mme la ministre, vous disposez d’un maximum de 20 minutes pour vos remarques préliminaires. Mme la ministre.

Mme Kathleen Weil

Mme Weil: Merci, M. le Président. Je voudrais commencer par souhaiter la bienvenue à tous les membres de la commission et rappeler quelques éléments préalables à notre étude détaillée du projet de loi n° 9, la Loi modifiant le Code de procédure civile pour prévenir l’utilisation abusive des tribunaux et favoriser la liberté d’expression et la participation des citoyens aux débats publics. Ce projet a été présenté à l’Assemblée nationale le 7 avril dernier, et le principe en a été adopté le 12 mai dernier.

Je voudrais, d’entrée de jeu, vous présenter les personnes qui m’accompagnent: Me Jean-Philippe Marois, directeur de cabinet, Me Christian Veillette, à ma gauche, attaché politique, et, pour le ministère de la Justice, Me Nour Salah, derrière moi, Me Vincent Pelletier, aussi derrière moi, et Me Marie-José Longtin, avocate émérite.

n (11 h 30) n

Ce projet de loi fait suite à deux consultations tenues par cette commission: tout d’abord, les consultations publiques tenues le 20 février au 8 avril 2008 sur le rapport sur les poursuites stratégiques contre la mobilisation publique, les poursuites-bâillons, rédigé par les Prs MacDonald, Noreau et Jutras; ensuite, les consultations particulières sur le projet de loi n° 99 tenues du 7 au 22 octobre 2008.

Comme je l’ai mentionné récemment, lors de l’adoption du principe de ce projet, les groupes consultés étaient en général en faveur des mesures contenues au projet de loi n° 99 et souhaitaient son adoption par l’Assemblée nationale. Le projet de loi n° 9 reprend donc essentiellement les mesures prévues au projet de loi déposé par mon prédécesseur, M. Jacques Dupuis. Certaines modifications y ont cependant été effectuées pour tenir compte des commentaires formulés lors des consultations particulières et aussi améliorer l’efficacité du projet de loi.

Le projet propose de modifier le Code de procédure civile afin d’y prévoir ce qui peut constituer une procédure abusive. Un tel abus peut notamment résulter d’une poursuite-bâillon, soit une poursuite qui a pour but essentiel non pas d’obtenir la réparation d’un préjudice, mais en fait de limiter l’expression des points de vue et de neutraliser l’action de personnes qui s’opposent ou critiquent un projet. Cette poursuite vise ainsi à les intimider ou à les épuiser. Il s’agit donc là d’un détournement des fins de la justice.

Le projet de loi prévoit différentes mesures qu’un tribunal pourra employer lorsqu’une demande en justice ou un acte de procédure pourrait être abusif. Le tribunal pourra notamment requérir des engagements des parties quant à la bonne marche de l’instance, ordonner le versement d’une provision pour les frais de l’instance, recommander au juge en chef d’ordonner une gestion particulière de l’instance.

Dans un cas d’abus, en plus de rejeter la demande en justice ou la procédure, le tribunal pourra, s’il l’estime approprié, condamner une partie à payer des dommages et intérêts, dont les honoraires extrajudiciaires, condamner une partie à payer des dommages et intérêts punitifs, condamner personnellement, compte tenu des circonstances, les administrateurs et dirigeants d’une personne morale qui commettent un abus de procédure.

Finalement, je tiens à souligner que le projet de loi propose l’inclusion d’un préambule afin de renforcer le message que le législateur souhaite envoyer à la population, soit qu’il est important de protéger la liberté d’expression, d’empêcher ou à tout le moins de contrer l’utilisation abusive des tribunaux ainsi que de favoriser l’accessibilité à la justice pour l’ensemble des citoyens.

Voilà donc mes commentaires préliminaires. Nous aurons l’occasion d’élaborer davantage lors de l’examen de chacune des dispositions de cette loi, qui à mon avis est un outil important pour améliorer l’accessibilité à la justice pour les Québécoises et les Québécois.

J’annonce dès maintenant que je proposerai l’adoption d’un amendement à l’article 5 pour y corriger une coquille. Cet article vise à modifier l’article 547 du Code de procédure civile. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la ministre. Donc, j’invite maintenant la porte-parole de l’opposition officielle en matière de justice, Mme la députée de Joliette, en remarques préliminaires pour 20 minutes.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon: Alors, merci, M. le Président. Je tiens, à mon tour, à saluer tous les membres de la commission, mes collègues les députés de l’aile du parti ministériel et mon collègue le député du Lac-Saint-Jean, évidemment l’équipe de la ministre, donc les membres de son cabinet et les légistes, Me Longtin en particulier. Donc, merci d’être avec nous pour nous aider à bien mener ces importants travaux aujourd’hui. Et je suis accompagnée, pour ma part, de Maxime Couture, qui est recherchiste pour l’aile parlementaire.

Je suis heureuse d’entreprendre l’étude détaillée de cet important projet de loi, le projet de loi n° 9, Loi modifiant le Code de procédure civile pour prévenir l’utilisation abusive des tribunaux et favoriser le respect de la liberté d’expression et la participation des citoyens aux débats publics. Comme je l’ai exprimé lors de l’adoption de principe, je pense que c’est un projet de loi qui est important et qui doit nous interpeller tous, comme parlementaires des deux côtés de la Chambre, parce que je dirais que c’est un projet de loi qui est significatif autant d’un point de vue social que d’un point de vue juridique. Donc, il y a vraiment un double intérêt.

Et on sait qu’on est souvent, en matière de justice, dans des projets de loi de nature très technique. Or, celui-ci n’est pas purement de nature technique. Au contraire, il vise vraiment des avancées que je qualifierais de sociales, d’une part, parce qu’il vient vraiment donner des mesures accrues pour protéger la liberté d’expression et la participation aux débats publics, qui sont des valeurs fondamentales de notre société démocratique, où l’on veut précisément encourager ces débats-là, qui, on le sait, par la confrontation des idées, nous amènent souvent à avoir un regard plus juste sur les choses et à faire émerger la vérité. Donc, je pense que c’est une valeur importante qui est reflétée dans le projet de loi.

Je dirais que c’est aussi socialement un progrès parce que c’est un projet de loi qui permet une meilleure accessibilité à la justice et qui permet un certain rééquilibrage des forces, qui sont parfois assez disproportionnées en matière judiciaire. On est souvent dans une situation de David contre Goliath. Et on prend acte de ce fait-là et on tente de différentes manières de pouvoir venir rééquilibrer les forces, notamment au niveau économique. Donc, je pense que ce sont deux points importants pour le projet de loi.

Et finalement, évidemment, en matière juridique, c’est un projet de loi qui présente un intérêt vraiment important parce qu’on est en droit nouveau. Si le projet de loi est adopté, le Québec va être le premier État au Canada qui va se doter de cette législation-là et, à ma connaissance, de ce que j’ai lu dans le rapport MacDonald, la première juridiction de tradition civiliste. Donc, je pense que c’est une avancée importante en droit, mais ça nous amène à devoir être d’autant plus, je pense, prudents et méticuleux dans l’examen des dispositions pour être certains que les objectifs que l’on se fixe, comme parlementaires, à atteindre, avec ce projet de loi là, sont vraiment bien reflétés dans les libellés du projet de loi, et qu’ils sont aussi conformes à notre volonté d’économie générale qui se retrouve au Code de procédure civile, et que le tout s’imbrique correctement.

Alors, il y a déjà beaucoup de travail qui a été fait. Il y a eu de nombreuses auditions en commission parlementaire avec l’ancienne mouture, le projet de loi n° 99. Donc, je pense que, pour rendre hommage aussi à ce travail-là, il va falloir s’assurer que le projet de loi est vraiment conforme aux intentions et à ce qui s’est discuté préalablement.

Et c’est certain qu’un autre souci que j’aurai est celui d’envoyer un signal clair parce que c’est le but du projet de loi aussi. On sait qu’il y a certaines mesures qui déjà pouvaient être appliquées en matière de poursuites abusives par les tribunaux mais qui l’étaient peu ou de manière très timide. Donc, avec ce projet de loi là, on veut envoyer un message clair. Il faudra s’assurer que les mesures non seulement vont être présentes, mais que tous les incitatifs vont être présents pour qu’elles soient appliquées aussi par les tribunaux, le moment venu.

Et finalement je dirais qu’il faut aussi s’assurer que le projet de loi va bien répondre à la problématique première à laquelle il s’adresse, soit celle des poursuites-bâillons. Il y a un choix qui a été fait d’ancrer le tout dans un cadre plus large des poursuites abusives, mais il va falloir garder évidemment en tête que l’objectif premier, qui était de répondre au problème des poursuites-bâillons, soit bien présent et qu’on y apporte toutes les mesures nécessaires, même si cela peut vouloir dire des approches un petit peu différentes si l’on se situe en matière de poursuites abusives de manière générale ou si on se situe vraiment dans le cadre d’une poursuite-bâillon à proprement parler.

Alors, on va avoir, du côté de l’opposition, c’est certain, plusieurs questions pour s’assurer de bien comprendre l’ensemble de ce qui est prévu dans le projet de loi, pour s’assurer aussi que tout est conforme aux objectifs qui sont fixés, notamment dans les considérants. Et c’est évidemment dans un esprit constructif qu’on va travailler, pour qu’on fasse vraiment de ce projet de loi là un projet de loi innovateur, progressiste et qui va, je l’espère, donner vraiment meilleur accès à la justice. Donc, je nous souhaite de bons travaux.

Étude détaillée

Préambule

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la porte-parole de l’opposition officielle. Donc, nous allons d’ores et déjà prendre en considération l’article 1 du projet de loi. Donc, Mme la ministre, à vous la parole.

Mme Weil: Oui. Il s’agit du préambule.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, j’y venais. Je vous propose donc… Nous avons le choix, mais il y a des précédents. Je peux vous en parler pendant un heure de temps, là, mais je voudrais vous éviter ça. En principe, sans vous abreuver, là, ad nauseam de toutes les décisions qui ont été prises, il serait préférable, à mon avis, d’étudier l’article 1, article 2, article 3 et de présenter le préambule après, pour la…

Mme Weil: À la fin?

n (11 h 40) n

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, pour la seule et unique raison logique, là, que ça nous permet, s’il y a des modifications des articles… bien ça pourrait aussi modifier le préambule, dans l’éventualité… Mais, si vous adoptez tout de suite le préambule, puis dans l’essence même de chacun des articles il y a des modifications, bien, à ce moment-là, on ne pourra plus revenir sur le préambule parce que le préambule va avoir été voté. Donc, pour cette raison-là et pour les décisions qui ont été prises, moi, je vous suggère de passer à l’article 1, ce qui… bon, et le préambule viendra à la fin, pour fins de discussion et d’adoption. Je ne sais pas si ça, ça vous convient. Oui, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Bien, juste, peut-être, pour la clarté de nos travaux puis les gens qui pourraient nous écouter, ce serait peut-être bien quand même, là, je réfléchis, minimalement de le lire. Et je me demande si on ne devrait pas avoir une discussion, quitte à suspendre le vote sur l’adoption, poursuivre, puis y revenir pour l’adoption s’il devait y avoir des amendements, comme vous le soulignez, M. le Président. Mais peut-être, pour fins de clarté…

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre, oui.

Mme Weil: Bien, j’abonde un peu dans le même sens, dans le sens que le préambule, c’est vraiment une mise en contexte qui nous permettrait de toucher à des éléments essentiels de l’objectif du projet de loi. Donc, peut-être juste le lire au moins, dans un premier temps.

Mme Hivon: Je proposerais qu’on ait quand même une discussion.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Et dans l’éventualité… à votre suggestion, on suspendrait l’adoption du préambule pour la fin, mais, pour fins de discussion, on commencerait tout de suite. Donc, allons-y. Ça va? Il y a consentement là-dessus? Je comprends qu’il y a consentement. Allez-y, Mme la ministre.

Mme Weil: «Considérant l’importance de favoriser le respect de la liberté d’expression consacrée dans la Charte des droits et libertés de la personne;

«Considérant l’importance de prévenir l’utilisation abusive des tribunaux, notamment pour empêcher qu’ils ne soient utilisés pour limiter le droit des citoyens de participer à des débats publics;

«Considérant l’importance de favoriser l’accès à la justice pour tous les citoyens et de veiller à favoriser un meilleur équilibre dans les forces économiques des parties à une action en justice.»

Le projet de loi inclut un préambule afin de bien marquer l’intention législative véhiculée par le projet, d’autant que les dispositions qu’il porte s’insèrent dans le Code de procédure civile.

Dans son premier élément, le préambule vise à renforcer le message donné aux citoyens par le projet, selon lequel il importe, dans une société démocratique, de protéger la liberté d’expression sans pour autant lui accorder une prépondérance sur les autres droits garantis par la Charte des droits et libertés du Québec, dont les droits à la sauvegarde de la réputation et au respect de la vie privée.

Le deuxième élément du préambule indique qu’il est également important d’empêcher ou à tout le moins de contrer et de sanctionner l’utilisation abusive des tribunaux et d’éviter ainsi un détournement des fins de la justice, notamment dans le contexte des poursuites-bâillons.

La prévention de l’abus devrait, comme l’indique le troisième élément, favoriser l’accessibilité à la justice pour l’ensemble des citoyens en limitant l’incidence des forces économiques des parties.

Le projet de loi vient donc renforcer les pouvoirs d’intervention des tribunaux lorsqu’ils examinent des demandes en justice ou des actes de procédure qui paraissent abusifs.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la ministre. Est-ce qu’il y a des questions? Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Alors, bien, je pense qu’on va avoir une certaine discussion générale, là, avec les considérants, puisque c’est l’entrée en matière et que les considérants énoncent bien, je pense, les objectifs du projet de loi. Et il y a quelque chose qui ressort, évidemment, à la lecture. C’est qu’il y a un choix qui a été fait donc après le dépôt du rapport MacDonald, par la ministre, de ne pas vouloir s’attaquer uniquement, dans le projet de loi, aux poursuites-bâillons et de situer les mesures qui sont présentes dans le projet de loi dans un contexte plus global des poursuites abusives.

J’aimerais que la ministre m’explique pourquoi cette orientation a été retenue et comment elle pense que ça va se traduire concrètement. Quels étaient pour elle les objectifs qui militaient pour ce choix-là?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre.

Mme Weil: L’idée, c’était de vraiment respecter l’économie générale du Code de procédure civile, du droit civil, et que ça faisait un tout qui permettait d’interpréter les actions en justice devant un juge dans le contexte général du Code de procédure civile et du droit civil. Donc, suite aux audiences, il y avait un certain consensus d’aller dans le sens de l’intégrer. Si je comprends bien la question: Pourquoi ne pas avoir une loi spécifique sur les poursuites-bâillons?, le consensus était plus d’aller dans le sens que nous avons choisi. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Mme Hivon: En fait, il y a deux choix. Il y avait le premier choix de savoir: Est-ce qu’on l’intègre au Code de procédure civile ou on fait une loi spécifique? Ça, je comprends que le choix a vraiment été pris, pour l’économie générale, de mettre ça dans le Code de procédure civile. Je suis.

Mais l’autre question, c’est: À partir du moment où on décide de mettre des mesures dans le Code de procédure civile, encore une fois, les mesures auraient pu viser spécifiquement les poursuites-bâillons, plutôt que de viser les poursuites abusives de manière générale, parce qu’il y a déjà des dispositions qui permettent aux tribunaux de rendre différentes ordonnances quand il y a abus. Alors, je voulais comprendre pourquoi ce choix de vraiment vouloir mettre les… c’est-à-dire le général et le particulier dans les mesures.

Mme Weil: Le particulier… M. le Président?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez, allez-y.

Mme Weil: J’irai dans un premier temps, puis, s’il faut rajouter d’autres détails… Le particulier est compris évidemment dans le général. Et je reviens à cette notion d’économie générale et de cohérence. Ça permettrait au tribunal de considérer tous les types de mesures abusives sans spécifier nécessairement que c’est une poursuite-bâillon. Une poursuite-bâillon fait partie du portrait général des poursuites abusives. Donc, ça ne limite pas la portée des actions du juge devant une action qu’il pourrait considérer de lui-même, ou d’office, ou suite à la demande de la partie de déterminer la nature abusive. Donc, c’est vraiment une question de cohérence et de logique qui ne limite pas la portée de ces dispositions mais qui permet en même temps de s’attaquer aux poursuites-bâillons, qui sont un type de poursuite abusive.

Alors, je ne sais pas si, avec votre permission, M. le Président, on pourrait demander à Mme Longtin s’il y a d’autres éléments à rajouter sur le choix.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Est-ce qu’il y a consentement pour que Mme Longtin puisse intervenir? Consentement.

Mme Longtin, si vous pouvez vous présenter pour le bénéfice des membres de cette commission.

Mme Longtin (Marie-José): Alors, M. le Président, Marie-José Longtin. Je suis avocate et j’ai travaillé dans le dossier pour le ministère de la Justice.

J’ai accompagné le précédent ministre au moment des audiences publiques. C’est une question qui a été posée dès le départ, de savoir si effectivement on devait cibler strictement les poursuites-bâillons ou l’abus en général. Il est certain qu’actuellement, dans le Code de procédure, il y a deux dispositions qui visent l’abus de procédure, mais c’est sous un contexte vraiment procédural. Et la question, donc, c’était aussi d’éviter qu’on ait deux régimes parce qu’essentiellement une poursuite-bâillon, c’est aussi un abus de droit qu’on peut rattacher aux articles 6 et 7 du Code civil et qui se retrouve dans le Code de procédure, et donc on aurait eu deux régimes pour l’abus. Ce que certains intervenants ont soulevé, c’est que, bon, à ce moment-là, on créait des difficultés d’interprétation, on créait aussi deux régimes, et c’est faire en sorte que d’autres abus qui sont quotidiens devant les tribunaux, au fond, auraient un régime d’interprétation plus strict que le régime bâillon.

L’autre difficulté aussi, c’est qu’en ciblant strictement un régime particulier, comme les poursuites-bâillons, on peut considérer que les tribunaux auraient pu aussi faire une interprétation plus restrictive. Donc, le choix qui a été fait, c’est de dire: C’est un pouvoir des tribunaux de contrôler les abus qui se font devant la justice, quels qu’ils soient, et spécialement dans ce cas-là. Et c’est pourquoi, entre autres dans la définition de l’abus, on pointe le cas de… On peut le voir à l’article 1, là, où on finit en mettant le point sur ce type d’abus particulier.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui, c’est ça. En fait, déjà, dans le considérant, je vois qu’il y a une volonté de vraiment venir mettre l’accent, via le «notamment», là, sur les poursuites qui pourraient être des poursuites-bâillons. Donc, dès le début, il y a une volonté de… Oui, le particulier est inclus dans le général, mais, de ce je comprends, la ministre a voulu mettre le doigt spécifiquement là-dessus pour, j’imagine, favoriser une interprétation… enfin laisser moins de marge de manoeuvre dans l’interprétation lorsqu’on sera face à une poursuite-bâillon. C’était bien ça, l’intention?

Mme Weil: Tout à fait.

n(11 h 50)n

Mme Hivon: O.K. Ceci étant dit, sur cette considération-là, générale, la ministre a sans doute été mise au courant, il y a eu une résolution d’adoptée par la MRC des Sources et il y a eu un article dans La Tribune, là. C’est parce qu’ils ont dit qu’ils avaient envoyé copie de la résolution, donc je ne le sais pas. En fait, il y avait un questionnement de la MRC, puis j’aimerais juste qu’on l’aborde tout de suite, à savoir si les municipalités et les MRC sont visées par le projet de loi. Alors, j’aimerais que la ministre nous dise si effectivement, du fait que c’est au Code de procédure civile, c’est d’application générale et donc… pour rassurer les municipalités ou les MRC qui pourraient se poser des questions. Parce que, je peux peut-être juste dire, là, la MRC des Sources interpelle les gouvernements afin qu’ils instaurent des règles pour protéger non seulement les citoyens contre l’abus de procédures judiciaires, mais également les instances municipales et les élus. Alors, j’aimerais simplement que la ministre rassure les municipalités pour dire l’application générale du Code de procédure et du projet de loi.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Mme la ministre.

Mme Weil: Oui, en effet, en tant que personne morale, ces entités seraient visées par la loi.

Mme Hivon: Parfait. Alors, je voulais simplement qu’on clarifie la chose d’emblée, et, si vous recevez la résolution, vous saurez de quoi il en est question.

Avant de passer vraiment à l’étude du premier article comme tel, on y a fait référence, il y a déjà des dispositions, dans le Code de procédure civile, qui venaient sanctionner les abus. Et, de ce que je comprends, en quelque sorte, le projet de loi, et le libellé, et les mesures, je dirais, supplémentaires qu’on vient prévoir, est-ce que c’est un peu un signal que ces mesures-là ont été en fait un échec parce que pas utilisées ou qu’il n’y avait pas assez de force persuasive envers les tribunaux pour qu’ils utilisent ces mesures-là? Est-ce que c’est un peu un aveu d’échec à cet égard-là?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre.

Mme Weil: Oui, sous-utilisées mais aussi à la lumière certainement d’un constat de ces poursuites abusives, qui sont en augmentation partout au Canada, beaucoup au Canada anglais d’ailleurs, au Québec aussi, et donc il fallait trouver une façon de répondre. Je pense que, suite, je dirais, vraiment au leadership des deux ministres qui m’ont précédée, ce désir d’aller de l’avant pour répondre à une problématique… donc il fallait renforcer ces deux dispositions. C’est vrai que le juge, en vertu du Code de procédure civile ? c’est l’article 73 et 74… 75.1 ? pouvait déclarer une poursuite abusive, qu’elle était de nature abusive, mais on est en train de voir une certaine prolifération de ces types de poursuites qu’on appelle les poursuites-bâillons. Donc, ça prenait une approche plus musclée, plus claire, d’équilibre entre les parties, donc de vraiment codifier, dans un sens, le droit pour le pousser plus loin. Est-ce que c’est un échec? Je laisserais peut-être à Mme Longtin dire si en fait on a diagnostiqué un échec, mais peut-être sous-utilisées.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Alors, est-ce que je comprends qu’il y a consentement pour intervention de Mme Longtin ou… Si jamais vous désirez…

Mme Hivon: …que ce soit la ministre.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): …retirer votre consentement, vous me le dites, d’accord? Moi, je prends pour acquis que c’est le cas. Allez-y, madame.

Mme Longtin (Marie-José): Oui, M. le Président. Alors, c’est de fait… J’ai perdu le fil.

Mme Hivon: …la question, c’est…

Mme Longtin (Marie-José): Ah! d’accord.

Mme Hivon: Est-ce que c’est un échec parce qu’il faut maintenant venir légiférer de manière plus spécifique, alors qu’il y avait déjà des dispositions?

Mme Longtin (Marie-José): Ce serait peut-être abusif de dire que c’est un échec, mais il demeure, je pense qu’on peut le constater généralement par la jurisprudence, que les tribunaux ont toujours une certaine réticence, et on peut le comprendre, de refuser dès l’abord de rejeter une action parce qu’évidemment c’est un droit de s’adresser aux tribunaux. Et aussi c’est… on aime bien laisser la chance aux parties de s’exprimer, d’où le fait de dire que, si ce n’était pas… s’ils ont des doutes actuellement, ils ne sont pas… il n’y a pas un régime particulier ou il n’y a pas d’indication sur ce qu’ils peuvent faire pour contrôler la gestion de l’instance. Donc, un des objectifs ici, c’est de dire… donc de renforcer l’intervention possible du tribunal pour contrôler le déroulement des instances qui pourraient être abusives, et, ce faisant, évidemment, on ne lui enlève pas le pouvoir de refuser immédiatement une action qui, à sa face même, serait… c’est-à-dire qui serait établie comme abusive sommairement, au départ. Ça devrait normalement, je pense, renforcer…

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, Mme la ministre.

Mme Weil: M. le Président, je rajouterais un élément important aussi, c’est l’élément de dissuasion. Parce qu’on vient amener… On le verra lorsqu’on va étudier les différentes dispositions, il y a un élément vraiment de mise en alerte. On a parlé tantôt, en introduction, par exemple des membres des conseils d’administration qui pourraient participer à des décisions de la compagnie, de la personne morale, qui pourraient éventuellement estimer une poursuite abusive. Donc, il y a des éléments généralement qui font en sorte qu’on aura, on espère, moins de poursuites abusives parce que déjà les gens seront alertés. Donc, je pense que c’est un élément additionnel qui vient renforcer ce domaine du droit.

Mme Hivon: En fait, ce que vous nous dites, c’est que l’objectif de base, c’étaient les poursuites-bâillons, en fait c’était la cause immédiate de l’intervention, mais qu’à la lumière de la très, très faible utilisation, pour ne pas dire pratiquement existante, des dispositions concernant l’abus il y a eu une volonté de venir resserrer toutes les dispositions concernant les poursuites abusives de manière générale, pour un peu, je dirais, tendre la main et montrer l’intention du législateur encore plus clairement. Parce que, de par sa première réponse, la ministre parlait strictement des poursuites-bâillons. Donc, on aurait pu imaginer que, oui, puisque c’est une problématique relativement nouvelle qui tend à proliférer, qu’il fallait vraiment s’y attaquer et avec des mesures très claires, très spécifiques. Mais, de ce je comprends, on a décidé de ne pas seulement s’en tenir aux dispositions qui étaient déjà présentes pour les poursuites abusives, mais de resserrer les choses et d’aller prévoir des mesures beaucoup plus, je dirais, étendues et spécifiques. Donc, c’est un peu, en quelque sorte, une manière de dire que le régime, tel qu’il était prévu en matière d’abus, ne remplissait pas en fait les objectifs qu’on s’était fixés.

Mme Weil: Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez. Non, non, absolument.

Mme Weil: Surtout à la lumière, je crois que vous le dites bien, de l’évolution des causes et de l’état du droit qu’on voit ailleurs en Amérique du Nord. Donc, il y avait une nouvelle problématique et donc c’était l’occasion de revoir tout ça ensemble mais tout en… sans créer un régime particulier pour les poursuites-bâillons mais généralement pour les abus de procédure.

Mme Hivon: O.K. Parce qu’en fait ce que je me dis, c’est: avec cette volonté-là, qui est affirmée, de prendre le cadre général des poursuites abusives, de ne pas se restreindre aux poursuites-bâillons, je vois là un signal quand même puissant enfin qui est envoyé aux tribunaux de dire: Utilisez les mécanismes qui sont à votre disposition parce qu’on a constaté une retenue.

Alors, je voudrais juste que la ministre nous dise si effectivement c’est un objectif clair pour les poursuites abusives de manière générale, pas juste les poursuites-bâillons.

Mme Weil: Oui. Et je crois que le préambule vient renforcer cette notion.

Mme Hivon: Puis vous dites qu’il y a prolifération des poursuites abusives ou des poursuites-bâillons. Est-ce que vous avez des exemples, là, de nombre de poursuites ou de multiplication?

Mme Weil: C’est surtout des études ou des commentaires que j’ai lus partout en Amérique du Nord. Je ne voudrais pas faire de commentaire évidemment sur des exemples parce que, comme vous le savez, on le verra plus tard, ce projet de loi une fois adopté, cette loi va s’appliquer à des causes pendantes. Donc, par prudence, je ne ferai pas de commentaire sur les types d’exemple. Mais évidemment la littérature actuellement, partout en Amérique du Nord, montre que ce type d’abus de procédure et de, je ne sais pas si «prolifération», c’est un gros mot, mais est en croissance.

Mme Hivon: O.K. Puis vous sembliez dire au Canada et au Québec. Est-ce que le phénomène est à peu près de la même ampleur, si on compare?

Mme Weil: Moi, ce que j’ai lu ? et je vais demander peut-être à une experte ? moi, ce que j’ai lu, on dirait que c’est un peu plus au Canada anglais qu’on a vu ça. Tantôt, vous avez mentionné qu’on serait la première juridiction. En fait, on n’est pas la première juridiction, la Colombie-Britannique… mais on sera la seule. Donc, en Colombie-Britannique, je pense que c’est beaucoup là qu’ils ont observé des poursuites de genre bâillon, d’abus de procédure. Évidemment, aux États-Unis, c’est beaucoup des diffamations, c’est ce qu’on voit beaucoup aux États-Unis.

Donc, peut-être je demanderais à Mme Longtin la qualification de… si c’est en prolifération, ou le constat qu’on fait en Amérique du Nord généralement ou au Canada, en tout cas.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, Mme Longtin.

n(12 heures)n

Mme Longtin (Marie-José): Je pense qu’on nous souligne, évidemment on en soulignait dans le rapport, qu’il y avait des cas un peu partout. Évidemment, aux États-Unis, il y a de très nombreuses lois, donc on présume qu’elles n’ont pas été utilisées pour rien… adoptées pour rien. Mais, je veux dire, on n’a pas de données chiffrées, là, parce que, de toute façon, la perception qu’on en a aujourd’hui est une perception, puisqu’on n’a pas encore de décision des tribunaux qui se sont prononcés pour dire: Elle est abusive ou pas.

Mme Hivon: Ici.

Mme Longtin (Marie-José): Ici.

Mme Hivon: Ici, au Québec, oui, c’est ça.

Mme Longtin (Marie-José): Ou dans les autres provinces.

Mme Hivon: C’est ça, parce qu’en Colombie-Britannique elle a vécu trois ou quatre mois, je pense, la loi, là.

Mme Longtin (Marie-José): La loi n’a pas…

Mme Weil: Oui, c’est ça.

Mme Longtin (Marie-José): …n’a jamais été en vigueur.

Mme Hivon: Oui, c’est ça. Avec un changement de gouvernement, la loi est morte. O.K.

Et, dernière question avant qu’on… Le fait d’avoir des considérants… Là, c’est vraiment une question beaucoup plus de nature technique, juridique. Je semble voir que c’est une pratique qui se développe de plus en plus d’avoir, vraiment dans le projet de loi, des considérants qui évidemment font partie du projet de loi mais ne feront pas partie de la loi parce qu’ils ne seront pas dans le Code de procédure civile comme tel. Oui?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y.

Mme Weil: Oui. M. le Président, ils seront là mais pas sous forme de préambule, ils seront là sous forme d’une note. Donc, le considérant sera là éventuellement pour le tribunal ou d’autres parties, pour interpréter l’intention du législateur.

Mme Hivon: Sous forme de note dans le Code de procédure civile avec, à la fin de…

Mme Weil: C’est ça, sous forme de note. C’est ça.

Mme Hivon: O.K. Et, c’est ça, c’est donc quelque chose que je vois proliférer. Je ne sais pas si effectivement il y a une intention pédagogique derrière ça ou de simplification, d’interprétation de l’intention du législateur. Ça, c’est vraiment une question pour mon éclairage, de savoir quel est le but d’avoir vraiment les considérants comme partie intégrante, parce qu’avant la loi devait parler par elle-même, là, et je voulais savoir quelle était la visée de la ministre ou des ministres quand maintenant, de plus en plus, ils viennent mettre des préambules.

Mme Weil: Je ne peux pas faire de commentaires sur la tendance. Honnêtement, je n’ai pas assez de vécu avec cette tendance. J’ai quand même posé cette question moi-même parce que c’est inhabituel généralement de voir un préambule, surtout pour le Code de procédure civile. Mais je vois la portée de ce préambule comme étant très utile éventuellement pour des justiciables, pour les tribunaux, leur permettant de comprendre un peu le contexte de cette nouvelle codification, pour orienter les tribunaux. Ce sera sous forme de note, donc c’est en bas de la page, ce n’est pas le préambule qu’on voit ici devant vous. Donc, c’est un outil additionnel, je pense, pour éclairer tous et chacun par rapport à notre réflexion à ce stade-ci dans notre histoire de développement du Code de procédure civile et du droit civil, ça marque un certain temps. D’un point de vue peut-être un peu plus procédural, peut-être on pourrait demander à Me Longtin de répondre.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme Longtin.

Mme Longtin (Marie-José): Bon, évidemment, c’est parce que c’est des éléments qui servent à l’interprétation, pour manifester une intention législative. Et aussi, considérant l’origine aussi, le point de départ du dossier, il y avait une intention de bien marquer que… Même si on procédait de façon large pour les poursuites-bâillons, il y avait cette intention marquée de les signaler, entre autres par le préambule, que c’était un des objectifs qu’il fallait que la loi…

Mme Hivon: Vous faites ça pour cette loi-ci. Puis est-ce que c’est effectivement une tendance d’inclure de plus en plus, dans des projets de loi, je dirais, qui ont une portée un peu plus que simplement technique, vraiment des préambules avec des considérants? Parce que, pour la loi sur l’eau, par exemple, je le voyais, ou enfin… Non?

Mme Weil: Mais, moi, comme je le disais, M. le Président, je ne pourrais pas personnellement répondre à cette question, n’ayant pas assez vu de ces préambules. Je ne sais pas si Mme Longtin…

Mme Hivon: O.K. C’est beau. Je voulais…

Une voix: …

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Ça va. Puis donc, la note, juste pour comprendre, parce que… elle serait insérée après quel…

Mme Weil: …article, le tout premier.

Mme Hivon: Le tout premier article.

Mme Weil: Je crois bien.

Mme Hivon: Donc, le 54.1? Il y aurait un petit… Est-ce que… Mais…

Mme Weil: 54, c’est ça, l’article, le tout premier.

Mme Hivon: O.K., c’est ça. Qui est vraiment le droit nouveau. Donc là, il y aurait une petite note de bas de page. Parce que c’est quand même assez inusité, ça.

Mme Weil: Oui, ce serait sous 54, donc pas sous l’article 26 en fait, qui est aussi modifié, mais l’article 54.1. Donc, il y aurait une note en bas de la page.

Mme Hivon: Ah bon! J’apprends quelque chose.

Mme Longtin (Marie-José): Alors, c’est une vérification que nous avons faite auprès des services qui font la mise à jour des droits, pour la refonte, qui nous on dit en fait que c’était une chose… Parce qu’on ne voulait pas que les gens perdent ce texte-là, qui en fait est toujours authentique, qui a toujours une valeur, mais, s’il n’est pas reproduit dans les mises à jour, il risque de se faire oublier. Alors, on nous a bien indiqué qu’effectivement c’était possible de le reproduire dans une note d’information, de telle sorte que les gens sauront faire le lien entre la loi, telle qu’elle a été adoptée, le préambule… qui contenait un préambule servant à l’interprétation.

Mme Hivon: Est-ce que c’est une première pour le Code de procédure civile?

Mme Longtin (Marie-José): Ce serait une première pour le Code de procédure civile.

Mme Hivon: Et en général?

Mme Longtin (Marie-José): Je pense que oui. Il y a des notes d’information, mais de ce type-là, ce serait une première.

Mme Hivon: Donc, il y a vraiment une volonté affirmée de venir clairement dire: Voici l’intention, et on ne pourra pas chercher de midi à quatorze heures l’intention.

Mme Weil: C’est exact, M. le Président.

Mme Hivon: O.K. Ça fait qu’on est vraiment en droit nouveau même d’un point de vue technique. O.K. Alors, moi, ça va. On peut peut-être, effectivement, suspendre l’adoption formelle du préambule au cas où on veuille…

Dispositions générales

Les tribunaux

De la compétence des tribunaux

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, je comprends qu’il y a eu consentement pour suspendre l’adoption du préambule. Ça va. Donc, nous allons procéder à l’étude article par article. Donc, Mme la ministre, l’article 1.

Mme Weil: L’article 26 du Code de procédure civile est modifié par l’insertion, après le paragraphe 4 du deuxième alinéa, du paragraphe suivant:

«4.1. les jugements qui rejettent une demande en justice en raison de son caractère abusif;».

Cet article établit que les jugements qui rejettent une demande en justice en raison de son caractère abusif ne pourront être portés en appel que sur permission d’un juge de la Cour d’appel. Ainsi, une permission de la Cour d’appel sera requise, même si le demandeur aurait autrement pu en appeler de plein droit, par exemple en raison du montant en litige.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui, alors, cet article-là n’était pas présent dans le projet de loi n° 99. Je veux donc savoir: Est-ce que c’était un oubli ou s’il y a eu, en fait, un certain changement de volonté de vouloir venir préciser que c’était sur appel? Le changement, en fait, en introduisant ce nouvel article là, est-ce qu’il est essentiellement sur la question de la permission d’en appeler, donc il y aurait un peu un changement d’orientation, ou si c’était un oubli dans la première mouture?

Mme Weil: Je ne pense pas que c’était un oubli, M. le Président. Ce que j’en ai lu, c’est qu’il y avait une incertitude sur le régime applicable en matière d’appel, et donc l’article vient préciser et répondre à l’incertitude qui avait été exprimée à l’époque.

(Consultation)

Mme Weil: Je vais demander à Mme Longtin de poursuivre.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Mme Longtin, oui.

Mme Longtin (Marie-José): Oui. En l’absence de cette disposition-là, la situation aurait été que l’appel aurait été possible si on était au-dessus d’un litige de 50 000 $, mais on aurait, au fond, déjà eu un premier jugement disant que c’est abusif, et là on s’en va en appel sur une question où le fond n’a pas été discuté, mais simplement l’abus, et au fond on poursuit l’abus, en quelque sorte, présumé, puisque le temps s’écoule pendant ce temps-là, et les parties sont tenues de faire… de suivre la parade de procédures. Alors, c’est pour ça qu’on vient répondre, au fond, aux préoccupations qui avaient été exprimées, là, par différents groupes, de dire quel doit être vraiment le régime applicable à ces cas-là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Est-ce que ça voulait dire que, vu que cet article-là n’était pas présent, il aurait pu ne carrément pas y avoir de droit d’appel, ou c’était seulement sur la question du 50 000 $ qui faisait le différence?

n(12 h 10)n

Mme Longtin (Marie-José): Je pense qu’il y avait un droit d’appel…

Mme Hivon: Général.

Mme Longtin (Marie-José): …général. Il aurait pu y avoir un droit d’appel général.

Mme Hivon: O.K. Donc là, on vient…

Mme Longtin (Marie-José): Mais peut-être que la Cour d’appel aurait dit: Ça ne se peut pas qu’il soit général, donc… En tout cas, ça venait répondre à ces préoccupations-là qui nous avaient été présentées par certains organismes.

Mme Hivon: O.K. Alors, juste pour qu’on comprenne… Mais, en fait, lui, j’aimerais ça qu’on ait une discussion, puis, lui aussi, je vais demander qu’on suspende parce que, vu que c’est l’appel, j’aimerais ça qu’on aille voir après toutes les mesures qui peuvent être octroyées pour voir ce qui est matière à appel ou non, là.

Donc, juste pour qu’on se situe correctement, si la partie défenderesse invoque, de manière préliminaire, qu’il y a abus, la partie demanderesse plaide, et le tribunal juge qu’il y a bel et bien abus et rejette, la partie demanderesse a un droit d’appel sur permission d’en appeler.

Une voix: Exact.

Mme Hivon: C’est ça. Si par ailleurs la partie défenderesse soulève la question, se fait… l’autre partie plaide, et on dit: Il n’y a pas abus ou, à tout le moins en tout cas, il n’y a pas assez abus pour qu’on rejette la demande, dans ce cas-là, il n’y a pas de droit d’appel parce que, là, c’est interlocutoire.

Mme Longtin (Marie-José): C’est ça.

Mme Hivon: Donc, la seule situation où il peut y avoir appel, c’est vraiment quand c’est la partie demanderesse qui se fait dire que sa procédure est abusive et qu’il y a rejet de sa demande. O.K. Donc, en tout cas, on va y revenir, parce qu’on va regarder l’ensemble des mesures. Donc, dès lors qu’on serait sur une autre mesure, par exemple provisions pour frais ou… il n’y aurait pas de droit d’appel parce qu’on serait en matière interlocutoire. Est-ce que c’est ça que je comprends?

Mme Weil: Oui, M. le Président. Mais, comme vous dites, on pourrait suspendre, puis, lorsqu’on verra… C’est assez… c’est très complexe.

Mme Hivon: Oui, c’est ça, on reviendra. Parce que je risque d’avoir des questions plus, oui, précises une fois qu’on aura fait tout le détail.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, dois-je comprendre que vous êtes prête à suspendre, Mme la députée de Joliette?

Mme Hivon: Oui.

Des pouvoirs des tribunaux et des juges

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Donc, oui, ça va pour Mme la ministre. Donc, je vais suspendre l’étude de l’article 1. Nous allons donc passer à l’article 2. Mme la ministre.

Mme Weil: Ce code est modifié par l’insertion, au chapitre III du titre II du livre I portant sur les pouvoirs des tribunaux et des juges, et après l’article 54, de ce qui suit:

«Section III. Du pouvoir de sanctionner les abus de la procédure.

«54.1. Les tribunaux peuvent à tout moment, sur demande et même d’office après avoir entendu les parties sur le point, déclarer qu’une demande en justice ou un autre acte de procédure est abusif et prononcer une sanction contre la partie qui agit de manière abusive.

«L’abus peut résulter d’une demande en justice ou d’un acte de procédure manifestement mal fondé, frivole ou dilatoire, ou d’un comportement vexatoire ou quérulent. Il peut aussi résulter de la mauvaise foi, de l’utilisation de la procédure de manière excessive ou déraisonnable ou de manière à nuire à autrui ou encore du détournement des fins de la justice, notamment si cela a pour effet de limiter la liberté d’expression d’autrui dans le contexte de débats publics.»

Cette nouvelle section est ajoutée au chapitre sur les pouvoirs des tribunaux et des juges du Code de procédure civile pour mettre l’emphase sur les pouvoirs d’intervention des tribunaux lorsqu’ils sont saisis d’une procédure abusive. Cette approche s’inscrit dans la foulée des articles 4.1 et 4.2 du code qui, en 2002, ont reconnu aux tribunaux la responsabilité de veiller au bon déroulement et à la saine gestion des instances, tout en s’assurant du respect de la règle de proportionnalité selon laquelle les actes doivent, quant à leur coût et au temps exigé pour les traiter, être proportionnés à leur nature et à leur finalité.

Le premier alinéa de l’article 54.1 prévoit que les tribunaux, tant en première instance qu’en appel, pourront déclarer une demande en justice ou un acte de procédure abusif et sanctionner la partie qui l’a introduit. Les sanctions possibles sont prévues aux articles suivants.

Le deuxième alinéa définit ce qui peut constituer un abus et inclut sous cette notion plusieurs actes qui sont en eux-mêmes des manifestations d’un exercice abusif du droit. La disposition aborde la question de l’abus d’une manière beaucoup plus large que ne le fait actuellement l’article 75.1 du Code de procédure civile. Celui-ci se fonde sur une approche plus procédurale. Il est interprété d’une manière stricte par les tribunaux. Ceux-ci ne voulant pas priver une partie d’être entendue ne rejettent généralement une action ou une procédure que si un cas clair le commande et en s’assurant que la procédure paraît futile et dilatoire et ne présente pas de chances raisonnables de succès.

Les dispositions du projet, tout en prenant acte de cette approche des tribunaux, visent à leur offrir des moyens additionnels lorsqu’ils sont confrontés à de possibles abus. Il est à souligner que la définition de l’«abus» vise notamment les poursuites-bâillons, les poursuites stratégiques contre la mobilisation publique, qui ont fait l’objet du rapport préparé par les Prs MacDonald, Noreau et Jutras en 2007.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Mme la députée.

Mme Hivon: Alors, comme on le disait tout à l’heure, je pense que c’est manifeste à la lecture de cet article-là et du commentaire de la ministre: il y a un certain jugement qui est posé que la marge de manoeuvre des tribunaux pouvait déjà exister, notamment avec 75.1 et 75.2, mais qu’il y avait une approche très, très, très réservée et qu’on vient un peu leur envoyer le message d’avoir une approche moins réservée en matière d’abus. C’est ça, l’intention?

Mme Weil: C’est bien ça.

Mme Hivon: Et est-ce que vous pouvez… Est-ce que la ministre peut nous dire s’il y a eu des jugements de rendus en vertu de 75.1 puis 75.2 sur les questions d’abus dans les dernières années? Est-ce que… Quand même, ça a été très peu utilisé, mais est-ce que ça a quand même été utilisé?

(Consultation)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme Longtin.

Mme Longtin (Marie-José): Nous n’avons pas notre alter ego avec nous, là, mais, de fait, il semble qu’il y a quand même des décisions qui se prennent régulièrement sur ces questions-là. Mais disons que ce n’est pas aussi… peut-être que ça ne se fait pas autant que ça pourrait se faire, suivant en tout cas les interventions qui ont été faites, entre autres au moment de la commission, certains se sont dit: Bon, il y a des abus constants, et les tribunaux ne s’en servent pas. Et il y a un élément quand même qui est nouveau par rapport à 75.1, puisqu’on intervient avec la possibilité d’office, ce qu’actuellement 75.1 ne prévoit pas.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la députée.

Mme Hivon: Donc, on ne peut pas dire s’il y a eu, je dirais, dans l’histoire récente, juridique, s’il y a eu des décisions qui sont venues sanctionner vraiment un abus de procédure au sens où on l’entend dans ces articles-là. En fait, ma question, c’est: Est-ce que ce serait carrément inexistant, autant que d’aller rejeter une procédure?

Mme Longtin (Marie-José): Bien, je pense que ce qu’on peut constater, à la lecture, évidemment, des sommaires de jurisprudence, c’est que… Moi, je ne me souviens pas, là, de décision qu’ils ont rejetée, mais, s’il y en a, c’est assez limité. Mais il y a quand même, dans les actes de procédure, il y a quand même des choses qui sont régulièrement notées comme abus de procédure et qui sont refusées. Je veux dire, ce n’est pas des articles inutiles actuellement, inutilisés.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme la ministre.

Mme Weil: Je rajouterais: certainement sur les requêtes. Parce qu’on peut imaginer très souvent des requêtes qui sont rejetées parce que le juge considère que c’est sinon abusif, à tout le moins excessif. Mais je n’ai pas la jurisprudence devant moi non plus, là, mais…

Mme Hivon: Non, non, ça va. Mais, sur une demande comme telle…

Mme Weil: Sur une demande comme telle…

Mme Hivon: Parce que c’est un peu ça qu’on vient prévoir. Donc, je voulais savoir si quand même ces articles-là ont été utilisés pour aller aussi loin que de sanctionner par le rejet d’une demande, dans l’état actuel… dans l’état actuel du droit. Parce qu’en fait ça viendrait un peu corroborer la thèse qu’il est fort pertinent d’aller renforcer, je dirais, l’effet pédagogique d’une loi, là.

n(12 h 20)n

Mme Weil: M. le Président, on pourrait demander à quelqu’un au ministère de faire une vérification, parce que d’une part ça pourrait servir un peu de précédent de voir comment les tribunaux auraient interprété ces dispositions-là à la lumière de ce que, nous, on vise. Je répète néanmoins que l’intention de ces dispositions, c’est aussi l’élément dissuasif. Donc, il y a deux objectifs dans un sens, c’est la prévention et l’aspect curatif aussi d’aider les justiciables, rapidement, qui seraient aux prises avec des abus. Mais donc, avec votre permission, M. le Président, on irait faire la recherche, ce serait intéressant, ça rajouterait au débat.

Mme Hivon: En fait, c’est ça, c’est juste que, moi, je me questionnais évidemment, en étudiant ce projet de loi ci, à quel point ce projet de loi est nécessaire pour venir marquer vraiment, je dirais, le pas et envoyer un signal clair. Et je pense qu’il l’est d’autant plus si on constate qu’à ce jour ces articles-là n’ont en fait jamais été utilisés pour sanctionner par le rejet d’une demande. Donc, je pense que, oui, pour les fins de notre étude, ça pourrait être pertinent de voir où en est l’état, l’état du droit, en vertu de ces articles-là. Ce n’est pas une revue de jurisprudence exhaustive, mais c’est de savoir: Est-ce que ça s’est déjà fait qu’il y ait eu un rejet, un rejet pur et simple d’une demande en vertu de ces articles-là?

Mme Weil: Tout à fait, M. le Président, je vois la pertinence de la demande.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? D’autres interventions? Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Puis j’imagine que, dans la conception des choses, des abus s’appliquent à tous les domaines évidemment, parce qu’on en voit notamment en matière familiale quand une partie décide de venir présenter procédure sur procédure à une partie qui peut être moins économiquement favorisée. Et on sait toute la tension humaine et les émotions qui peuvent être impliquées. Est-ce que c’est vraiment aussi, pas en termes de poursuite-bâillon, là, mais en termes de poursuite générale abusive, un des objectifs que vous visez, que ce soit plus discipliné en matière familiale, notamment?

Mme Weil: Bien, d’ailleurs, lorsque vous avez posé votre question ? puis on s’est engagés à aller voir, au ministère ? mes instincts me disaient que ce serait beaucoup dans le domaine familial qu’on verrait ces genres de procédures abusives, des requêtes, etc. Ayant pratiqué le droit familial pendant une période de temps, j’ai des souvenirs de ça.

Mme Hivon: Parce que je pense qu’il y a eu une cause Parizeau… enfin, il me semble qu’il y a eu une cause justement en matière familiale, mais je ne suis pas capable de savoir s’il y a eu un rejet, je ne me souviens pas s’il y a eu un rejet de la demande, puis c’est ça… En tout cas, j’aimerais savoir si les tribunaux sont déjà allés jusque-là en matière d’abus.

Mme Weil: Alors, M. le Président, avec la permission, je demanderais à Mme Longtin de rajouter des éléments.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, bien sûr, Mme Longtin.

Mme Longtin (Marie-José) : Oui, il semble effectivement qu’il y a eu quand même… C’est parce qu’on a une note, là, dans l’ordinateur, qu’il y a, de fait, certaines causes, actions qui ont été rejetées dès le départ, mais ce qu’on voit ici, par exemple: rejet d’une action en responsabilité extracontractuelle; rupture de relation matrimoniale, alors que la rupture ne constitue pas une faute, donc manifestement mal fondée; ou encore une requête introductive d’instance sans allégation de faits concrets. Mais, encore là, donc, ce sont des cas, là, vraiment manifestes.

Mme Hivon: Mais il y avait des… Ce n’était pas que des requêtes en… on n’était pas seulement dans les moyens préliminaires, on était dans les demandes, au fond, qui étaient rejetées…

Mme Weil: On a des rejets d’actions. On pourrait déposer en fait, hein?

Mme Hivon: Oui, ce serait utile.

Mme Weil: Ce serait intéressant.

Mme Hivon: Si c’est possible.

Mme Weil: On pourrait déposer la liste. Il y a toute une liste d’exemples.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, je comprends que vous allez transmettre à la commission les documents qui… nous, de notre responsabilité, vous les transmettrons, Mme la députée de Joliette. Mme la députée.

Mme Hivon: Moi, ça va pour cet article-là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Donc…

Mme Weil: Juste pour clarification.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y.

Mme Weil: C’est important, c’est une note confidentielle, donc il va falloir en faire un extrait.

Mme Hivon: En fait, c’est les causes, les causes qui m’intéressent.

Mme Weil: Oui, c’est ça, on pourrait aller chercher les causes, en fait, publiques.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Donc, j’ai cru comprendre qu’on pourrait disposer de l’article 54.1. Donc, l’article 54.1 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Adopté. Mme la ministre, l’article 54.2.

Mme Weil:«54.2. Si une partie établit sommairement que la demande en justice ou l’acte de procédure peut constituer un abus, il revient à la partie qui l’introduit de démontrer que son geste n’est pas exercé de manière excessive ou déraisonnable et se justifie en droit.

«La requête visant à faire rejeter la demande en justice en raison de son caractère abusif est, en première instance, présentée à titre de moyen préliminaire.»

Cet article prévoit un renversement du fardeau de la preuve si une partie établit sommairement que la demande en justice ou l’acte de procédure de la partie adverse peut constituer un abus. Il reviendra au tribunal de déterminer la preuve qui pourra être présentée. La partie qui a introduit l’acte de procédure devra alors démontrer au tribunal que son geste est fondé sur un motif légitime et se justifie en droit, donc qu’il n’est pas exercé de manière excessive ou déraisonnable.

La requête d’une partie demandant de faire déclarer une demande en justice abusive se fera généralement à titre de moyen préliminaire et devra être dénoncée à la partie adverse avant la présentation de la demande en justice, dans les 30 jours de la réception de l’avis de présentation. Si une telle requête est présentée après ce délai, le tribunal pourra refuser sa présentation, article 159 du Code de procédure civile. Si la requête vise à faire déclarer un acte de procédure abusif, elle devrait être présentée au tribunal dans un délai raisonnable. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: J’ai juste, premièrement, une petite question. Dans vos commentaires, vous avez dit que la requête d’une partie demandant de faire déclarer une demande en justice abusive, ça se fera généralement à titre de moyen préliminaire. Est-ce que c’est généralement ou dans tous les cas? Parce qu’évidemment le deuxième alinéa vient vraiment nous dire que ce sera présenté à titre d’instance… en première instance à titre de moyen préliminaire. Donc, je voulais juste une précision à cet égard-là. J’imagine que, dans tous les cas… C’est parce que vous avez dit «généralement» dans les commentaires, donc je voulais savoir… J’imagine que la nuance est…

Mme Weil: Que ce serait par moyen préliminaire, mais qui, généralement…

Mme Hivon: Est-ce qu’en fait quelqu’un pourrait le soulever en cours d’instance?

(Consultation)

Mme Weil: Alors, il faudrait aller regarder l’article 159 du Code de procédure civile, où il y a une certaine latitude pour le juge, parce qu’il peut rejeter, en cours d’instance, une requête, ce qui présume qu’il pourrait aussi l’accepter en cours de route. Donc, généralement, ça se ferait par moyen préliminaire, mais là l’article 159 semble prévoir des situations où ça pourrait être en cours de route. Donc…

Mme Hivon: …de l’interprétation qui est faite de 159, que, puisqu’il peut rejeter, il pourrait accepter.

Mme Weil: Oui. Je ne sais pas, M. le Président, si vous voulez que je lise l’article pour… Donc, ça va?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Si ça peut éclairer la députée de Joliette, il n’y a pas d’inconvénient.

Mme Hivon: Ah! bien, peut-être… non… bien, je peux le lire, mais peut-être, oui, pour la…

Mme Weil: Pour la transcription.

Mme Hivon: Oui, peut-être pour la transcription.

Mme Weil: Donc, l’article 159: «Sauf entente entre les parties conformément à l’article 151.1, les moyens préliminaires et leurs conclusions doivent être dénoncés par écrit à la partie adverse avant la date de présentation de la demande introductive d’instance; à défaut de ce faire, le tribunal peut refuser la présentation de ces moyens.»

Mme Hivon: Donc, c’est le «peut» qui vient… parce que, sinon…

Mme Weil: Présumer l’inverse.

Mme Hivon: … ce serait «refuse».

Mme Weil: C’est ça.

Mme Hivon: Donc, on n’aurait aucun droit… aucune possibilité de s’en sortir.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, Mme Longtin.

Mme Longtin (Marie-José): Oui, M. le Président. La plupart des intervenants qui sont venus en commission s’exprimer demandaient que ça puisse être réglé rapidement, cette question-là. Dans les législations américaines, souvent on voit 15 jours, 30 jours, souvent 45 jours, et ici, évidemment en qualifiant ça de moyen préliminaire, on s’assure que c’est dans un délai généralement de 30 jours, puisque c’est le délai usuel de présentation.

Mme Hivon: C’est ça. Alors ça, c’était ma deuxième question. Le délai de 30 jours auquel vous avez fait référence dans le commentaire, c’est le délai usuel, mais ce n’est pas prévu à l’article 159, par exemple, ou… Est-ce que c’est prévu noir sur blanc à quelque part, ou en fait c’est la manière usuelle de fonctionner des tribunaux? Parce que, justement, on a vu que c’était une demande importante des groupes qui sont venus, qu’il y ait des délais serrés, que les choses ne puissent pas s’étirer en longueur. Là, je vois le 30 jours apparaître dans le commentaire, mais je ne le vois pas dans la loi.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, après votre réponse, je vais avoir la députée de Gatineau qui désire intervenir brièvement, là.

Mme Hivon: Si Me Longtin veut chercher pendant, on peut revenir sur cette question-là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme Longtin, est-ce que vous préférez faire votre recherche pendant que…

Mme Longtin (Marie-José): Oui, parce que je…

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui? D’accord. Mme la députée de Gatineau.

n(12 h 30)n

Mme Vallée: Merci, M. le Président. Alors, une question tout simplement parce qu’on parle des délais de présentation de la requête dans le cadre d’une requête introductive d’instance. Par contre, si j’ai bien compris les propos de la ministre, cet article-là et les moyens qui sont adoptés ou qui seront adoptés à l’intérieur du projet de loi visent également l’ensemble des actes de procédure, les demandes d’interrogatoire, les différentes requêtes, je pense, entre autres, dans les dossiers matrimoniaux, je crois qu’il n’y a pas… Le principe s’applique en général. On remarque régulièrement, soit dans les dossiers matrimoniaux ou parfois dans les dossiers qui visent des litiges entre voisins, une multiplication de procédures en cours de route, des amendements, des procédures additionnelles.

De quelle façon va-t-on gérer l’application de ces critères-là de poursuite abusive lorsqu’une partie aura déposé une requête, une demande d’interrogatoire, une procédure en cours de route qui serait possiblement teintée par un esprit de vengeance ou un esprit qui vise à épuiser les recours de l’autre partie? Parce que ça se voit souvent et… En pratique privée, on a souvent, on reçoit souvent le commentaire de la part de nos clients que, bon, la procédure qui est déposée vise à affaiblir l’autre partie, et on le voit aussi en cours d’instance. Même comme procureur, on peut vivre ce sentiment d’exaspération lorsqu’il y a une multiplication des procédures par un collègue ou une collègue. Donc, comment va-t-on gérer ces dossiers-là lorsqu’il s’agira de procédures déposées en cours d’instance?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre.

Mme Weil: Alors, si je comprends bien la question, je pense que la réponse est vraiment dans l’article 54.3, qui sera le prochain article, qui permet au tribunal, soit vis-à-vis une demande en justice qu’il considère abusive ou l’acte de procédure en cours de route… Il y a une série de solutions qui sont proposées dans le projet de loi, qu’on pourra discuter lorsqu’on va regarder l’article 54.3, et on voit vraiment un juge qui est beaucoup plus proactif dans la gestion de l’instance.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, en ce qui a trait à 54.2, Mme Longtin, est-ce que vos recherches ont été fructueuses?

Mme Longtin (Marie-José): Oui. Je cherchais à 119, et c’est l’article 151.4 qui vient nous dire que le délai de présentation «ne peut être fixé à moins de 30 jours à compter de la signification, sauf du consentement des parties ou dans les cas où la loi prévoit un délai plus court». Pour certains types d’action, ça peut être 10 jours. Et donc, c’est ça qui détermine essentiellement l’utilisation du 30 jours qui…

Mme Hivon: Merci. Mais en fait, donc, c’est 30 jours ou plus, sauf avis contraire. Là, on ne vient pas… on ne vient rien prévoir de spécifique. Donc, il y a une certaine tradition du 30 jours, mais il n’y a rien qui empêche que ça pourrait être plus, donc ça pourrait être 60 jours ou ça pourrait être…

Mme Longtin (Marie-José): Ça pourrait être 60 jours, mais on sait par ailleurs qu’on a la règle du 180 jours. Alors, évidemment, plus le temps de présentation est long, plus on se restreint dans les autres délais qui peuvent être utilisés par les parties.

Mme Hivon: Mais est-ce qu’il n’y aurait pas lieu de venir le prévoir noir sur blanc? Parce que justement on est dans un cas présumé d’abus, une partie vit un stress assez incroyable, des difficultés financières, techniques, des fois elle n’est plus capable de s’occuper de son entreprise. Est-ce que ce ne serait pas pertinent de venir le prévoir noir sur blanc, que la demande doit être faite dans un délai donné?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme Longtin, Mme la ministre.

Mme Hivon: Parce qu’en fait je comprends la règle du 180 jours, mais justement ça peut être dans l’intérêt de la partie qui est plus malveillante de ne pas accepter une fixation rapide. Enfin, je soulève la question. Est-ce que ce ne serait juste pas pertinent, pour rassurer ceux qui faisaient une demande d’action rapide, de venir le prévoir?

(Consultation)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): On peut suspendre quelques instants.

Une voix: …

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui? Donc, est-ce qu’il y a consentement pour qu’on suspende les travaux quelques instants? Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 36)

(Reprise à 12 h 48)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux. Nous étions donc…

Mme Weil: M. le Président, j’aimerais peut-être…

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre, allez-y.

Mme Weil: …demander à la députée peut-être de réitérer la question. Si j’ai bien compris, ce serait de voir si on pourrait, en vertu de ce nouveau projet de loi, exiger un délai plus court que ce qui est envisagé par l’article 151.4, qui vraiment parle d’un minimum de 30 jours? C’est plus un minimum qu’autre chose.

Mme Hivon: C’est ça, c’est…

Mme Weil: Et la pratique, c’est 30 jours, mais la loi prévoit juste un minimum. Mais je voudrais juste réentendre peut-être la question pour être sûre que j’ai bien compris.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez-y, Mme la députée.

Mme Hivon: C’est ça. C’est qu’en lisant le 151.4, du fait que le deuxième alinéa dit: «Cette date ne peut être fixée à moins de 30 jours [...], sauf du consentement des parties», on comprend que, s’il y a consentement des parties, ça peut être plus rapide, mais on peut présumer qu’il n’y aura pas de consentement des parties dans un cas d’abus, puisque précisément le but est un peu de nuire à l’autre. Alors, la lecture du deuxième alinéa me fait réaliser qu’il n’y a pas de limite supérieure, je dirais. Donc, on dit que ça ne peut pas… il y a une limite inférieure, pas de moins de 30 jours, mais il n’y a pas de limite supérieure.

Ma question, c’est: La partie qui présente, en moyen préliminaire, une requête pour dire qu’on est face à une demande abusive, est-ce qu’il n’y a pas un risque de… par une demande de la partie demanderesse présumément abusive, que la demande ne soit pas… que la requête ne soit pas entendue dans les 30 jours parce qu’on invoquerait des raisons pour lesquelles on ne serait pas prêts à procéder dans 30 jours et qu’on demanderait un délai supplémentaire au tribunal, donc ce qui pourrait nuire à la partie qui plaide l’abus, qui pourrait devoir vivre plus longtemps avec sa demande préliminaire et attendre plus longtemps avant que l’abus soit déclaré? C’est ça, le sens de la question.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre.

n(12 h 50)n

Mme Weil: Oui, M. le Président. Je comprends le sens de la question. Je pense que c’est une question d’équilibre et de la pratique généralement devant les tribunaux. Ce que je vois, c’est que le requérant pourrait néanmoins faire une demande de célérité, disons, d’un délai plus court, demander au juge d’accorder un délai plus court ou d’accepter un délai plus court. Ceci étant dit, pour la préparation des dossiers, etc., ce délai de 30 jours, et le fait que ce soit la pratique que c’est 30 jours, c’est évidemment pour permettre aux deux parties de bien se préparer. Donc, il faut… C’est un équilibre entre les intérêts des uns et des autres. On présume que c’est abusif et… On présume la bonne foi, oui. Il faut faire attention de ne pas présumer la mauvaise foi, puis déjà qu’on renverse le fardeau de la preuve.

Donc, il me semble que c’est une question d’équité et d’équilibre, et que le juge, de toute façon, a quand même beaucoup de marge de manoeuvre dans ces causes-là. Je craindrais d’aller trop loin pour limiter à l’autre partie de se préparer aussi pour la cause. Mais je demanderais peut-être à Mme Longtin, qui est une juriste avec beaucoup d’expérience…

Mme Hivon: Ma demande ou mon questionnement, ce n’est pas de réduire le 30 jours puis de mettre ça à 20 jours. Ce n’est pas ça.

Mme Weil: Et le maximum…

Mme Hivon: C’est de s’assurer qu’on ne pourra pas venir invoquer, pour différentes raisons, le fait qu’on n’est pas prêts, tout ça, et que donc le 30 jours ne soit pas respecté et que le 30 jours devienne un 45, un 60 ou un 80 jours, là, de la partie qui pourrait avoir intérêt à faire durer… à prolonger le temps avant que la requête pour abus soit entendue. Peut-être que je suis dans un cas totalement hypothétique, là. J’aimerais entendre Me Longtin vraiment exposer si, effectivement, dans les faits, la partie demanderesse, mais qui est intimée face à la requête, pourrait venir invoquer certains motifs pour essayer de gagner du temps et que la requête ne soit pas présentable dans les 30 jours.

Moi, 30 jours, ça me va. C’est plus vu qu’il n’y a pas de limite supérieure. Je me dis: Est-ce qu’on peut se retrouver face à des cas où le délai va être étendu considérablement, avec le stress que ça peut sous-tendre pour la partie qui estime qu’elle est face à un abus de procédure?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme Longtin.

Mme Longtin (Marie-José): Merci, M. le Président. Normalement, dans la logique de la procédure, c’est que… Au fond, c’est la partie demanderesse qui, dans l’hypothèse, serait abusive… en tout cas, la partie demanderesse fixe elle-même la date de présentation.

Mme Hivon: Ou de la demande.

Mme Longtin (Marie-José): De la demande.

Mme Hivon: Oui.

Mme Longtin (Marie-José): Donc, elle peut dire: On va présenter ça dans 60 jours ? par hypothèse. En fait, ça peut être justifié aussi, considérant que, pendant ce délai-là, normalement, ce qu’on demande aux parties, c’est de s’entendre sur le déroulement de l’instance et d’établir leur calendrier, à quel moment ils vont présenter les moyens préliminaires, à quel moment ils vont faire les interrogatoires préalables, défense, etc. Donc, ils ont déjà, à ce moment-là… Il me semble qu’elle serait très mal venue de venir dire: Je ne serai pas prête à la date de présentation, alors que c’est elle-même qui l’a fixée.

Mme Hivon: Pour la demande.

Mme Longtin (Marie-José): Pour la demande.

Mme Hivon: Oui.

Mme Longtin (Marie-José): Maintenant, si… Disons qu’elle a fixé vraiment de façon… à 60 ou 75 jours, la partie défenderesse, elle, actuellement, subit à ce moment-là un préjudice du seul fait de ce délai-là, parce qu’elle perd des délais pour la gestion de son dossier, la préparation de sa défense dans le 180 jours qui est prévu. Et il n’y a rien, en fait, qui interdit… 159 prévoit qu’ils doivent être dénoncés avant la présentation, mais il n’y a rien qui interdit non plus à une partie de s’adresser au tribunal avant, si elle subit son préjudice.

Mme Hivon: O.K. Mais la requête préliminaire, je comprends qu’on a une date qui est fixée pour l’audition de la demande, puis là on a le moyen préliminaire qui est la requête pour déclarer la demande abusive, par exemple, une procédure abusive qui arrive, et là on dit: Normalement, elle va être présentable dans les 30 jours.

Mme Longtin (Marie-José): C’est que normalement ces questions-là sont toutes réglées au moment de la… elles doivent être réglées au moment de la présentation où le tribunal prend le dossier et peut commencer déjà à gérer certains éléments de l’instance.

Mme Hivon: Donc, je veux juste qu’on me confirme qu’il n’y a pas de risque que, par exemple, on vienne invoquer, malgré ce qui aurait pu être prévu en gestion d’instance, et tout ça, qu’il y a un délai supplémentaire qui est requis pour pouvoir faire face à la requête préliminaire et que tout ça puisse avoir un effet de cascade ensuite, qu’on étende le délai avant lequel on va pouvoir entendre, par exemple, la requête préliminaire. Est-ce que c’est possible?

Mme Longtin (Marie-José): J’ai l’impression que c’est plus risqué de prévoir une date au-delà de laquelle il ne peut plus invoquer quelque chose que de prévoir qu’il… ou de laisser, à la date de présentation ou encore à un jeu plus souple, de présenter avant, le cas échéant, une requête pour faire déclarer abusives les procédures.

Mme Hivon: C’est votre point de vue pour les deux, que l’on soit d’un côté ou l’autre. Pour les deux parties, vous estimez que ce serait problématique.

Mme Longtin (Marie-José): Je pense que oui.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la députée.

Mme Hivon: Ça va. Je vais méditer ça aussi pendant la pause. Mais en fait mon souci est simple. Si vous me dites que c’est un souci qui est non fondé, qui ne risque pas de se concrétiser jamais, je vais me fier à l’experte. Mais mon souci, c’était qu’on puisse y voir là, puisqu’il n’y avait pas de délai de prévu noir sur blanc, que le 30 jours n’était pas prévu, mais qu’il y a quand même une latitude quand on lit 151.4 parce que ça pourrait être plus, qu’il n’y avait pas là une manière, pour la partie présumément abusive, auteure d’une procédure abusive, de gagner du temps.

Mme Longtin (Marie-José): Si je puis ajouter. Je pense que. si on regarde, entre autres, l’article 4.1, il y a déjà là-dedans les éléments qui pourraient permettre de justifier une intervention. C’est qu’en fait on dit bien que les parties doivent éviter de nuire à autrui et agir de bonne foi, et le tribunal peut intervenir pour assurer une saine gestion de l’instance. Et, comme on nous a dit, une saine gestion, ça veut dire qu’il peut intervenir un petit peu plus que tout simplement, là, accepter des calendriers.

Mme Hivon: Il peut, mais il n’est pas obligé de. C’est ça un peu…

Mme Longtin (Marie-José): Il n’est pas obligé.

Mme Hivon: Il a quand même la latitude de dire…

Mme Longtin (Marie-José): Oui. Mais il y a une question de culture aussi qui se développe ou qui est en train de se développer.

Mme Hivon: Ça fait que c’est ça, ma question, c’est: Vu qu’on essaie de changer justement un peu la culture avec ce projet de loi là, est-ce que ce ne serait pas quelque chose d’envisageable de venir prévoir, par exemple, que le 30 jours est vraiment là, noir sur blanc, prévu, et qu’on ne peut pas l’étendre à un délai supplémentaire?

Mme Longtin (Marie-José): Je pense que toute la culture de ce code est de permettre au tribunal d’intervenir, mais en laissant plus une certaine flexibilité. Et, si on vient établir un délai très fixe, au-delà de ça, comment le tribunal va justifier, par exemple, d’accepter peut-être une requête tardive pour faire déclarer quelque chose d’abusif qui n’aurait pas pu être présenté à titre de moyen préliminaire dans les 30 jours, si le délai est de 30 jours?

Mme Hivon: Mais là on est dans un cas donné de la requête préliminaire pour que la demande soit déclarée abusive. Puis, dans le commentaire, la ministre elle-même disait que c’est 30 jours, tellement on pensait que c’était une règle à peu près écrite ou…

Mme Longtin (Marie-José): C’est la pratique…

Mme Hivon: Oui, c’est ça.

Mme Longtin (Marie-José): …qu’on constate, mais…

Mme Hivon: Donc, on se fie à la pratique et à la bonne foi des parties.

Mme Longtin (Marie-José): À la bonne foi et au pouvoir d’intervention du tribunal.

Mme Hivon: On est conscients que, quand on est en matière présumément abusive, des fois la bonne foi est peut-être… je comprends qu’on la présume toujours, là, mais elle est peut-être moins évidente que dans les cas généraux où des parties se défendent correctement devant les tribunaux, là.

Mme Weil: C’est ce qui permettrait au juge d’intervenir. Mais si je peux rajouter peut-être un élément parce que je pense qu’on est dans du droit nouveau, c’est quelque chose qu’on… Je pense qu’il y a plusieurs aspects de ce projet de loi qu’on va vouloir surveiller, regarder, observer, étudier pour voir comment les tribunaux vont réagir à ces nouvelles dispositions, comment les parties vont réagir. Est-ce qu’on aura réussi à réduire le nombre ou est-ce que vraiment la portée dissuasive de ce projet de loi aura fonctionné? Ça pourrait être un élément d’étude ou d’observation de voir comment ce délai fonctionne exactement, si vraiment c’est dans les 30 jours ou est-ce que, de temps en temps, on pourrait voir que c’est étiré dans le sens de 90 ou 180 jours pour aller dans ce sens d’abus dont la députée mentionne.

Donc, moi, je dis ça comme ça, qu’au ministère de la Justice c’est quelque chose qu’on pourrait, parmi les mesures, qu’on pourrait observer. Pour l’instant, je pense que l’objectif, c’est de garder la flexibilité, de permettre aux parties de se préparer, donc d’agir vraiment dans la logique du Code de procédure sans trop… sans jouer vraiment avec des délais qui sont autrement… qui font partie de la pratique.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre, je suis obligé de vous interrompre parce que, compte tenu de l’heure, je dois suspendre les travaux. Je comprends que vous souhaitez que l’heure du midi soit fructueuse pour vos réflexions, donc je vais suspendre. Oui. Donc, je vais suspendre l’adoption de l’article et l’étude aussi de l’article 54.2 jusqu’au retour. Donc, je vous souhaite bon dîner, et je suspends les travaux jusqu’à 15 heures cet après-midi. Bon appétit à tous.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 13)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, je vous resouhaite la bienvenue. J’espère que la période de dîner a été profitable pour l’ensemble des collègues qui sont ici. La bouffe, ça va avec la réflexion, de temps en temps, et je suis sûr que ça vous a aidés à poursuivre vos réflexions.

Donc, nous reprenons nos travaux. Je vous rappelle que nous sommes réunis afin de procéder à l’étude détaillée du projet de loi n° 9, loi modifiant le cadre de procédure civile pour prévenir l’utilisation abusive des tribunaux et favoriser le respect de la liberté d’expression et la participation des citoyens aux débats publics.

Document déposé

Lors de la suspension, nous étions rendus à l’étude de l’article 54.2. Mme la ministre, avant de vous céder la parole, excusez-moi, oui, je sais que vous avez mis à la disponibilité des gens de la commission le document qui avait été demandé par la porte-parole de l’opposition officielle en matière de justice, Mme la députée de Joliette. Donc, nous avons regardé le document, donc considérez-le comme déposé.

Mme Weil: Excellent.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Je vous remercie pour votre collaboration et donc, dans l’immédiat, je vais vous céder la parole. Allez-y, Mme la ministre. Nous étions rendus à l’étude de l’article 54.2. On avait fait beaucoup de discussion, je vous rappelle ça, de l’article 54.2, mais j’avais compris qu’il y avait aussi une réflexion à entamer durant la période du dîner, avant même d’adopter cet article. Donc, à qui dois-je donner la parole?

Mme Weil: Moi, je n’ai pas d’autre commentaire que ce que j’ai fait ce matin.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. En fait, j’aimerais maintenant aborder la question du renversement du fardeau de la preuve, là, qui est l’objet de l’article 54.2. En fait, je comprends qu’il y a une volonté de simplifier les choses pour la partie qui invoque la demande abusive ou l’acte de procédure abusif, afin de prévoir qu’une fois que l’abus est établi de manière sommaire il y a un renversement du fardeau de la preuve qui s’exerce.

Ce que je me demandais… En fait, la ministre, M. le Président, a reçu une correspondance, dans laquelle j’étais en copie conforme, de quatre groupes, dont Écosociété, l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, la Ligue des droits et libertés et le Réseau québécois des groupes écologistes, qui suggèrent qu’en fait il y ait un renversement complet, c’est-à-dire sans même avoir à établir de manière sommaire l’abus, lorsqu’on est en matière de poursuite-bâillon ou ce qu’on pourrait dire de poursuite qui fait suite à l’expression de la liberté d’expression dans le cadre d’un débat public. Et puis j’ai regardé ça de plus près puis je dois dire que je trouve que c’est une proposition qui est intéressante. Et j’aurais aimé entendre la ministre là-dessus, si elle y avait accordé une certaine attention.

Mme Weil: Moi, il me semble que ce serait… On ne peut pas avoir de présomption d’abus. Donc, je pense que d’établir sommairement qu’il y a un abus et de permettre au juge de déterminer, dépendant des circonstances… ça atteint l’équilibre voulu. Je pense que ce serait d’aller trop loin de ne pas permettre à chacune des parties d’établir… Et déjà qu’on renverse le fardeau de preuve, donc on donne essentiellement un certain avantage au défendeur, dans ce cas-là, si je réponds à la question, là. Vous, vous demandez qu’il y ait une présomption a priori qu’il s’agit d’une procédure abusive, sans qu’on ait à établir sommairement qu’il s’agit d’une procédure abusive.

Mme Hivon: C’est ça. Quand… Parce que…

Mme Weil: Moi, je trouve que le «sommairement», c’est mon opinion, établit l’équilibre, tout en mettant un peu plus, comment dire, un certain avantage du côté de la partie défenderesse, la partie qui est poursuivie.

Mme Hivon: En fait, moi, l’intérêt que j’y vois, c’est qu’on est ? on en a parlé ce matin ? face à un projet de loi qui, dans un premier temps, voulait vraiment venir répondre à la problématique des poursuites-bâillons en prévoyant des mécanismes qui viendraient donner toute une panoplie de mesures possibles aux tribunaux pour justement enrayer… et autant quand le fait est devant les tribunaux que de manière dissuasive, préventive, comme la ministre l’a exprimé abondamment ce matin. Et, quand j’ai vu cette proposition-là, j’ai trouvé qu’il y avait… qu’il pouvait y avoir un mérite à vouloir justement dire: Quand on va être en matière de poursuite-bâillon, il y a un message encore plus puissant qui est envoyé. Ce n’est pas que la partie défenderesse va voir automatiquement sa prétention retenue. C’est simplement qu’il y a l’exercice automatique du renversement du fardeau de la preuve, comme ce qui existe déjà à certains égards. Il n’y a pas toujours nécessité d’établir, quand il y a un renversement du fardeau de la preuve, de manière sommaire une apparence de droit. Donc, il n’y a personne qui est brimé dans ses droits ou qui ne voit pas le respect de ses droits suivi.

Alors, je me disais que, d’un point de vue autant pédagogique, préventif, dissuasif et pour bien marquer le pas sur l’importance qu’on veut donner, je dirais, à l’intervention lorsqu’on est face à une poursuite-bâillon comme telle, que je voyais un mérite à pouvoir suivre un peu cette idée-là, que dans un tel cas la partie n’aurait pas à établir sommairement… et qu’il y aurait donc un renversement du fardeau de la preuve qui s’exercerait lorsqu’on est face à une demande qui fait suite à l’exercice de la liberté d’expression dans le cadre d’un débat public. Donc, on est quand même dans un domaine assez restreint. Je pensais que ça pouvait être une position intéressante.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre.

Mme Weil: Moi, je pense que… M. le Président, avec tout respect, je pense que l’équilibre est là, dans 54.2. Ce que, vous, vous demandez, si je comprends bien, ce serait que le… Est-ce que ce serait, suite… Est-ce que le juge, d’office, dans votre scénario… ou ce serait la partie qui évoquerait que… juste évoquer, sans avoir à établir sommairement… C’est-à-dire…

Mme Hivon: Oui. À partir, en fait…

Mme Weil: Il le déclarerait et puis…

Mme Hivon: Je peux peut-être… J’ai écrit un petit amendement que je vais soumettre à la considération de la commission, qui refléterait l’idée, là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Vous souhaitez déposer un amendement?

Mme Hivon: Oui.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): O.K.

Mme Hivon: Je peux peut-être en faire la lecture?

n(15 h 20)n

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, avant de le déposer, oui, je vais le voir, s’il est recevable, puis en faire des copies à tous. Je vais suspendre les travaux quelques instants, histoire de vérifier la recevabilité de… et de le distribuer dans l’éventualité où il est recevable.

(Suspension de la séance à 15 h 21)

(Reprise à 15 h 22)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous reprenons nos travaux. Après vérification, effectivement, l’amendement est recevable. Donc, je vais demander à la députée de Joliette de présenter l’amendement.

Mme Hivon: Alors, l’amendement se lirait comme suit:

Le projet de loi, Loi modifiant le Code de procédure civile pour prévenir l’utilisation abusive des tribunaux et favoriser le respect de la liberté d’expression et la participation des citoyens aux débats publics, est modifié par l’ajout, à la fin du premier alinéa de l’article 54.2 introduit par l’article 2, de la phrase suivante:

«Toutefois, si la demande ou l’acte est une procédure qui fait suite à l’exercice de la liberté d’expression dans le cadre d’un débat public, la procédure ou l’acte est présumé abusif et la partie qui invoque l’abus n’a pas à l’établir sommairement.»

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre.

Mme Weil: Moi, je verrais un problème avec le «présumé abusif». Lorsque, dans la manière que 54.2 est libellé, la partie qui est la partie défenderesse demande au juge de déclarer que c’est abusif, il doit supporter sa demande, et on dit «sommairement». Il doit expliquer très sommairement donc qu’il s’agit de liberté d’expression ou quels sont les éléments qui fondent sa demande, et c’était l’intention du mot «sommairement». Donc, c’est vraiment… Ce n’est pas très onéreux, mais c’est le minimum que ça prend pour que le juge puisse déterminer qu’il y a une poursuite abusive. Maintenant, je ne sais pas s’il y a d’autre chose…

Mme Hivon: …quand même des cas, dans la législation, où un renversement du fardeau de la preuve se fait automatiquement, sans même qu’il y ait quelque chose qui soit établi sommairement, dès lors qu’on constate quelque chose. Donc, dans ce cas-ci, dès lors qu’une partie, en l’occurrence la partie défenderesse, invoquerait qu’il y a abus, parce qu’on est dans le cadre d’une procédure qui fait suite à l’exercice de la liberté d’expression dans le cadre d’un débat public, le fardeau reposerait sur les épaules de la partie demanderesse d’établir qu’il n’y a pas abus.

En fait, l’idée derrière ça, c’est juste qu’il me semble que ça pourrait être un signal fort pour montrer un pas de plus vers l’engagement du législateur pour vraiment faire effet dissuasif en matière de poursuites-bâillons et aussi simplifier la vie de la partie qui fait l’objet d’une poursuite-bâillon. Parce que je suis le raisonnement de la ministre, qui me dit que ce n’est que sommairement, mais c’est quand même une étape qui doit être franchie. Après, il y a le renversement du fardeau de la preuve. Or, on enverrait un signal plus fort, je crois, si le renversement s’effectuait dès lors qu’on est dans le cadre d’une poursuite prétendument abusive, qui fait suite à l’exercice de la liberté d’expression dans le cadre d’un débat public.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y.

Mme Weil: M. le Président, il y a deux éléments déjà, dans 54.2, qui circonscrivent ou qui favorisent, si on veut, la partie défenderesse. Il y a «sommairement» et il y a aussi «peut constituer un abus», hein? Donc, la partie défenderesse n’a pas besoin d’établir absolument qu’il s’agit d’un abus.

J’ai un autre commentaire avant de demander à la civiliste, la spécialiste… Il y a aussi… Dans votre amendement, si on peut regarder l’amendement que vous proposez, si on peut… vous ciblez en particulier le cas des causes de liberté d’expression, c’est bien ça?

Mme Hivon: Dans le cadre d’un débat public.

Mme Weil: Dans le cadre d’un débat public. Donc là, on vient spécifier ce genre de cas-là, alors que ce qu’on a voulu, avec 54.2, c’est que ça puisse s’établir à tous les types de cas puis qu’on ne commence pas à identifier… D’ailleurs, je dirais que c’est plus common law, d’aller vraiment sur le très pointu, que le droit civil, qui veut vraiment un cadre très général, qui permet la latitude au juge, etc. Mais je ne sais pas, parce qu’on regarde l’amendement, là, si Mme Longtin avait des éléments à rajouter à la proposition.

Mme Hivon: Mais en fait…

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, avant même Mme Longtin…

Mme Hivon: Peut-être juste avant Me Longtin…

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Juste un instant… Avant même que vous interveniez, Mme Longtin… Oui, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui, c’est ça. En fait, l’amendement, là, moi, je ne suis pas légiste, donc c’était vraiment pour pouvoir soumettre quelque chose qui reprenait l’idée de manière peut-être plus claire, là, pour qu’on puisse savoir ce que j’avais en tête quand j’invoquais l’idée. Juste pour être plus précise, moi, je serais prête à vivre… à ce qu’on puisse enlever «la procédure ou l’acte est présumé abusif» et qu’on dise simplement «la partie qui invoque l’abus n’a pas à l’établir sommairement». Donc, en fait, selon moi, c’est deux fois dire la même chose de mettre les deux bout à bout, là, mais c’était pour plus de sécurité que je mettais les deux.

Mais, juste pour faire suite à ce que la ministre disait, en fait, précisément, moi, je pense qu’il y a justement peut-être une valeur à venir prévoir une règle spécifique quand on est en matière de poursuite-bâillon. Là, je n’appelle pas ça poursuite-bâillon dans le texte parce que je ne pense pas que c’est un mot qui, comme tel, a une définition claire. C’est pour ça que je dis «une procédure qui fait suite à l’exercice de la liberté d’expression dans le cadre d’un débat public». Mais l’idée, c’est précisément de marquer le pas en montrant que, oui, la législation, le projet de loi se veut global pour tout ce qui est poursuite abusive, mais qu’il y a un souci particulier d’accorder, comme le titre du projet de loi l’invoque, comme les considérants l’invoquent à certains endroits, avec les «notamment»… on a voulu marquer l’importance de bien considérer les poursuites-bâillons et d’y mettre fin, autant de manière préventive, dissuasive que lorsqu’on est face à la poursuite.

Donc, pour moi, c’est un peu… ça procédait de la même logique de dire: Pourquoi, lorsqu’on est dans le cadre d’une poursuite-bâillon, on ne viendrait pas prévoir qu’il y a un renversement du fardeau qui s’exerce dès lors qu’on est dans ce type de poursuite-là. Ce qui ne fait pas en sorte que la partie demanderesse ne peut pas plaider qu’il y a un droit bien fondé. Elle n’a qu’à l’invoquer. Sauf qu’on enlève une étape, une certaine étape de plus, que la partie qui est prétendument victime d’une poursuite-bâillon doit franchir. L’idée, c’est tout simplement celle-là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre.

Mme Weil: Peut-être répondre sommairement, puis je demanderais à Me Longtin…

On considère qu’il y a déjà, hein, renversement du fardeau de la preuve, et donc les mots «sommairement» et «peut constituer un abus», c’est des éléments de renversement du fardeau de la preuve. Donc, pour rassurer les gens qui pourraient… qui suivent ce débat, il y a déjà renversement de la preuve.

L’avantage de 54.2 écrit tel qu’il est écrit, c’est que ça va s’appliquer ? justement, on parlait de ces instances en droit matrimonial ou autres ? ça va s’appliquer à toutes sortes d’abus de procédure. Parce qu’il y en a beaucoup d’autres que juste les poursuites-bâillons. Donc, l’avantage, c’est qu’on a un article qui va s’appliquer à tout le monde et qu’il y a renversement du fardeau de la preuve.

Mais je demanderais, avec votre permission, M. le Président, si, Mme Longtin, il y a d’autre chose que je n’aurais pas vu.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Mme Longtin. Est-ce que je dois comprendre qu’il y a consentement?

Mme Hivon: Oui. Je voulais juste répondre au commentaire de la ministre.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Bien sûr.

Mme Hivon: Moi, je ne veux pas éliminer le renversement après le «sommairement» dans les cas généraux. Je viens ajouter quelque chose qui fait en sorte que le principe général demeure, du renversement du fardeau de la preuve après qu’une partie ait établi sommairement qu’il y a abus pour l’ensemble des procédures qui seraient dites abusives, mais je viendrais spécifier, avec l’amendement, que, lorsqu’on est en matière spécifiquement de poursuite-bâillon, il y a un renversement automatique du fardeau de la preuve. Je voulais juste…

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme la ministre, oui.

n(15 h 30)n

Mme Weil: On devient vraiment techniques. Mais, si on fait ça ? on dit toujours que le législateur n’écrit pas pour ne rien dire ? si, dans un cas, il vient aller plus loin dans le renversement de la preuve, l’autre article, celui-là, perd sa valeur, dans d’autres types de cas, parce qu’on est allés encore plus loin dans un autre cas, donc c’est comme s’il n’y a pas vraiment eu renversement du fardeau de la preuve dans le 54.2, et peut-être qu’il va être plus onéreux, on va l’interpréter de façon plus onéreuse, parce qu’on a maintenant un autre article qui va plus loin, qui établit…

C’est presque d’office que le juge… on fait la demande, et le juge déclare… parce que c’est dans un cas de ce qu’on appellerait poursuite-bâillon. C’est juste une question… Et ça, c’est vraiment des spécialistes qui sont dans le domaine d’écrire des articles. Mais ma crainte, ce serait peut-être ça.

Mme Hivon: Mais le juge ne déclarerait pas d’office, il faudrait… C’est simplement qu’il y aurait un renversement du fardeau de la preuve et que la partie viendrait dire, elle aurait toujours le loisir de dire: Non, voici, c’est bien fondé pour tel, tel motif. Alors, ce ne serait pas automatique, la déclaration qu’on est face à quelque chose d’abusif. Ce qui serait automatique, c’est le renversement qui s’opérerait…

Mme Weil: Mais le justiciable, de toute façon, doit établir juste en faisant cette demande, et c’est pour ça que le «sommairement», c’est vraiment… c’est très léger, la demande qu’on fait. Il doit établir les faits très sommairement, qui permet au juge… et que ça peut constituer un abus, pas que ça constitue un abus. Donc, c’est déjà un minimum.

Je répète aussi que, si on a une autre clause qui irait encore plus loin dans le sens que vous dites, quelle serait la valeur donc de ces mots-là dans le 54.2 qu’on laisserait pour les autres types de causes d’abus? Parce qu’il y aurait deux articles de renversement du fardeau de la preuve, mais chacun légèrement différent. Comment les juges vont interpréter le renversement dans un cas ou dans l’autre? En tout cas, c’est une question que je pose, Mme Longtin, peut-être voir si vous avez une perspective là-dessus.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez-y, Mme Longtin.

Mme Longtin (Marie-José): Bien, je ne sais pas si je peux ajouter grand-chose. Je pense qu’on a mentionné qu’il y a quelques cas dans la législation où on a fait ce renversement de fardeau de preuve, mais de façon quasi automatique, mais c’est généralement parce qu’il y a un fait indéniable au départ qui se constate très aisément. Ici, on est dans des matières quand même… on exerce une liberté d’expression, il y a un débat public, c’est quand même des éléments qu’il faut…

Mme Weil: Mettre de l’avant.

Mme Longtin (Marie-José): …mettre de l’avant. On ne peut pas présumer qu’il y avait nécessairement un débat public du seul fait qu’il y a eu un article en quelque part, là. Je veux dire, les situations sont tellement diversifiées que ça peut être très difficile. Dans quel cas… ça peut être aussi une véritable diffamation.

Mme Hivon: Oui, c’est ça, mais, dans ce cas-là, c’est… Enfin, il y a une nuance aussi, parce qu’on comprend que ce qu’on vise… Puis, s’il y a une véritable diffamation, je pense que le renversement va s’exercer, mais la partie va tout de suite invoquer que son droit est bien fondé ou enfin, à la face même, on ne pourra pas déclarer qu’il y a un abus.

J’aimerais juste entendre Me Longtin sur le fait que… Si, effectivement, on avait deux modulations du renversement du fardeau de la preuve, est-ce qu’effectivement ça enlèverait du poids au premier renversement? Ça, j’ai de la misère… je ne comprends pas cet argument-là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme Longtin.

Mme Longtin (Marie-José): Bien, en fait, ça, c’est dans les… normalement dans l’interprétation, comme je pense que Mme la ministre l’a bien indiqué. Si on établit que, dans un cas particulier, c’est… je n’ai rien à établir parce que… En tout cas, on serait dans le cadre d’un débat public et la liberté d’expression serait en jeu. Dans les autres cas, ça peut effectivement amener une preuve additionnelle qui serait requise des parties pour l’établir. On serait portés à mettre peut-être un poids additionnel sur la notion de sommaire.

Mme Hivon: Même si c’est écrit que c’est «sommairement» et le «peut»… Ce que la ministre invoque comme interprétation resterait la même en fait, normalement, puisque c’est le même texte. Ce que vous dites, c’est que, du fait qu’il y aurait une deuxième ligne, ça viendrait changer l’interprétation de la première ligne.

Mme Longtin (Marie-José): C’est un risque.

Mme Hivon: Bon. Alors, écoutez, moi, je voulais soumettre l’idée. Je pense qu’on aurait pu peut-être envoyer un signal encore plus clair en ayant une mesure, je dirais, encore plus ambitieuse quand on était dans le cadre d’une poursuite-bâillon. Donc, j’entends la ministre qui me dit qu’elle n’est pas favorable.

Mme Weil: Je regarde ? excusez-moi, M. le Président ? un sommaire des interventions, et d’ailleurs on aurait justement, par les mots qu’on a choisis, répondu à la demande des organismes. On a ECOS, RQGE, AQLPA, la Ligue, Landry, Amis, etc. Tout ce qu’ils demandaient justement, c’est d’établir le caractère sommaire, et on semble, évidemment, avec cette disposition, répondre à leur demande, le renversement du fardeau de la preuve.

Mme Longtin (Marie-José): Je dirais qu’il y a un autre élément. C’est que, lorsqu’on lisait dans le rapport, entre autres, sur la notion: Qu’est-ce que c’est qu’une poursuite-bâillon? il y avait toujours l’expression «visant à» limiter l’étendue de la liberté d’expression. On a évité l’utilisation du mot «visant à» pour éviter justement que la partie ait à faire une preuve ou donner des éléments de preuve sur l’intention. Il s’agit qu’il y ait un effet de limiter, donc c’est un… c’est quelque chose qui peut se constater plus facilement.

Mme Hivon: Mais, dans mon libellé, je ne parle pas de «visant à», je dis juste «fait suite à l’exercice de la liberté d’expression».

Mme Longtin (Marie-José): Non, non, ce que je veux dire, c’est que la notion même de poursuite-bâillon, normalement, comporte l’idée de «visant à», quand on lit dans le rapport la définition qui en est donnée…

Mme Hivon:«Visant à limiter».

Mme Longtin (Marie-José): …alors que la définition indirecte qui est donnée à 54.1 vise l’effet. Donc, si ça a pour effet de limiter, c’est plus simple encore pour établir un élément.

Mme Hivon: O.K. Je comprends. Oui, je comprends. Juste pour peut-être la gouverne de la ministre puis des membres de la commission, c’est ça, mais il y a quand même une demande formelle en date du 21 mai. Je ne sais pas… Je peux le déposer aussi, là. Mais ces quatre organismes-là, je sais qu’ils se sont présentés en commission lors des consultations particulières, ils avaient demandé que l’article soit revu pour que ce soit moins lourd, effectivement. Je comprends qu’il y a du chemin qui a été fait, mais ça ne s’est pas rendu à la demande qu’ils ont soumise, là… En tout cas, moi, j’en ai une copie du 21 mai 2009, adressée à la ministre de la Justice puis au leader parlementaire, qui demandait vraiment que, quand on est dans le cadre de la liberté d’expression dans le contexte d’un débat public, il y ait vraiment une présomption d’abus. Donc, je voulais entendre la ministre là-dessus parce que ça m’apparaissait intéressant, comme je l’ai dit tout à l’heure, là, pour marquer le pas de l’importance qu’on voulait donner au signal qu’on envoyait en matière de poursuites-bâillons.

Je peux peut-être, en tout cas, la déposer pour la connaissance de la commission. Parce qu’on sait que c’est des organismes qui suivent le débat de très près, certains étant personnellement dans des poursuites qu’on pourrait qualifier ou que les tribunaux pourront qualifier de poursuites-bâillons. Et c’est des groupes qui sont au fait aussi de ce qui s’est fait à l’extérieur dans le domaine puis qui voyaient là une voie intéressante. Et je dois dire que j’y voyais aussi une voie intéressante comme signal fort.

Mme Weil: M. le Président, juste pour répondre. Moi, je trouve que 54.2 fait ça de façon vraiment parfaite dans le sens que c’est vraiment l’équilibre qui est recherché dans le Code de procédure civile qui donne au juge… c’est finalement le juge qui va apprécier tout ça. Et il n’y a même pas de fardeau sur la personne ou sur la partie qui doit montrer sommairement… tout simplement établir les faits, l’impact de limiter la liberté d’expression, et le tour est fait.

Alors, je pense que ça rejoint exactement ce que les parties, les groupes qui demandaient ça nous demandaient: c’est le renversement du fardeau de la preuve. C’est vraiment interprété, et l’intention du législateur, on pourra le dire, c’était vraiment de renverser le fardeau de la preuve.

Mme Hivon: Je veux juste dire que je pense que ça ne remplit pas complètement les attentes des groupes, puisqu’on a cette lettre qui est vraiment venue demander quelque chose, un signal, un signal plus clair. Mais je comprends que la ministre n’a pas d’ouverture pour donner suite à cette demande.

Mme Weil: Je répète, on a donné suite, on a donné suite en faisant un renversement du fardeau de la preuve. D’ailleurs, il y a beaucoup de groupes qui n’ont pas voulu ce projet de loi. Je trouve que c’est un projet de loi extrêmement courageux. Je salue d’ailleurs mes prédécesseurs, parce que, moi, j’ai l’avantage d’arriver suite aux travaux qui ont été faits. J’ai l’honneur d’être la ministre qui pilote ce dossier maintenant, mais c’est des travaux d’autres qui m’ont précédée. Et je dois dire, très sincèrement, très impressionnée par tout le travail que tout le monde a fait pour faire en sorte que le Québec sera un leader dans ce domaine. Je pense que c’est important de le souligner et de rassurer les groupes qu’ils ont ce qu’ils veulent, avec cette disposition. Je pense que je n’ai pas d’autre commentaire à faire, M. le Président.

n(15 h 40)n

Mme Hivon: Je veux juste dire, en terminant, que je pense que les groupes voient évidemment dans le projet de loi une avancée très importante, que l’opposition aussi voit, mais que les groupes étaient en droit de demander un signal plus clair lorsqu’on est en matière de poursuite-bâillon pour le renversement du fardeau de la preuve. Donc, je pense que c’était légitime, leur demande m’apparaissait légitime. Et donc, c’est tout à fait le droit de la ministre de ne pas vouloir y donner suite. Mais je pense qu’on va laisser aux groupes juger du fait qu’on répond complètement ou non à leur demande.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Donc, votre amendement est déposé, Mme la députée de Joliette. J’ai envie de vous demander si vous voulez qu’on se prononce sur l’amendement ou qu’on passe l’amendement au vote, ou si vous souhaitez… Qu’est-ce que vous souhaitez? Comment vous souhaitez qu’on dispose de votre amendement?

Mme Hivon: Bien, moi, j’étais en faveur de l’amendement si…

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): O.K. Donc, on va le mettre aux voix.

Mme Hivon: On peut en disposer.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): O.K. Donc, on va mettre aux voix l’amendement. Est-ce que l’amendement est adopté?

Mme Hivon: Moi, je dis oui, là. Moi, je vote pour.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça me semble conséquent. Est-ce que l’amendement est adopté?

Mme Weil: …

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Non. Donc, l’amendement est rejeté. À l’article 54.2, Mme la députée de Joliette, avez-vous d’autres éléments à ajouter?

Mme Hivon: Moi, ça va, en ce qui me concerne, pour 54.2.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Donc, l’article 54.2 est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Adopté sur division. Article 54.3. Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Merci, M. le Président.

«Le tribunal peut, dans un cas d’abus, rejeter la demande en justice ou l’acte de procédure, supprimer une conclusion ou en exiger la modification, refuser un interrogatoire ou y mettre fin ou annuler le bref d’assignation d’un témoin.

«Dans un tel cas ou lorsqu’il paraît y avoir un abus, le tribunal peut, s’il l’estime approprié:

«1° assujettir la poursuite de la demande en justice ou l’acte de procédure à certaines conditions;

«2° requérir des engagements de la partie concernée quant à la bonne marche de l’instance;

«3° suspendre l’instance pour la période qu’il fixe;

«4° recommander au juge en chef d’ordonner une gestion particulière de l’instance;

«5° ordonner à la partie qui a introduit la demande en justice ou l’acte de procédure de verser à l’autre partie, sous peine de rejet de la demande ou de l’acte, une provision pour les frais de l’instance, si les circonstances le justifient et si elle constate que sans cette aide cette partie risque de se retrouver dans une situation économique telle qu’elle ne pourrait faire valoir son point de vue valablement.»

Le premier alinéa indique les possibilités qui s’offrent au tribunal dans un cas d’abus. Il pourra alors rejeter la demande en justice ou l’acte de procédure, supprimer une conclusion ou en exiger la modification, refuser un interrogatoire ou y mettre fin ou annuler le bref d’assignation d’un témoin.

Le deuxième alinéa prévoit les différentes mesures que peut prendre le tribunal s’il ne rejette pas immédiatement la demande en justice et permet à celle-ci de se poursuivre. Cela sera le cas s’il considère que l’abus ne justifie pas à lui seul le rejet de la demande ou s’il paraît qu’il peut y avoir un abus, mais que la chose n’est pas suffisamment avérée pour justifier l’une des actions prévues au premier alinéa. Il est à souligner que nombre de ces mesures ressortissent au domaine de la gestion d’instance.

Le tribunal peut notamment, en vue de favoriser un meilleur équilibre dans les forces économiques des parties, ordonner le versement d’une provision pour les frais de l’instance. Pour ce faire, deux critères doivent être remplis: les circonstances doivent le justifier; sans la provision pour les frais de l’instance, la partie défenderesse risque de se retrouver dans une situation économique telle qu’elle ne pourrait faire valoir son point de vue valablement.

Ça complète ma lecture, M. le Président.

Document déposé

Le Président (M. Marsan): Oui, je vous remercie. Avant de vous laisser la parole, je voudrais simplement déposer une lettre du Réseau québécois des groupes écologistes, on en a fait allusion un peu plus tôt. Alors, avec votre permission, c’est déposé.

Et je vais laisser la parole à Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui.

Le Président (M. Marsan): Ça va?

Mme Hivon: Je pense qu’on est vraiment dans le coeur du projet de loi, avec l’article 54.3, alors j’ai quelques questions.

Premièrement, une question que je me suis posée, c’est toute la nuance entre «on est face à un abus» versus «on est face à une apparence d’abus». Et je comprends que, par rapport à la première mouture, le projet de loi n° 99, on a refondu dans un seul article ce qui apparaissait dans deux articles, pour être plus clair. Mais là je me demande simplement pourquoi on ne prévoit pas des mesures données quand on est face à un cas d’abus et des mesures autres lorsqu’on est face à une apparence d’abus. Parce que ? je m’explique ? évidemment, une fois qu’on est face à un abus déclaré, une demande qui est jugée abusive, normalement la suite est beaucoup plus radicale que si on est peut-être face à un abus ou face à une apparence d’abus.

Or, dans le deuxième alinéa, on dit bien: «Dans un tel cas ? donc, dans le cas où il y a abus ? ou lorsqu’il paraît y avoir [...] abus», puis là il y a toute une panoplie de mesures. Je me demandais pourquoi il avait été décidé de ne pas prévoir des mesures spécifiquement pour les cas d’abus, qui seraient plus fermes, donc le rejet ou enfin ce qu’on voit dans le premier alinéa, et de réserver d’autres mesures pour les cas où il y a apparence d’abus.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Weil: Dans un premier temps, donc le premier paragraphe s’adresse vraiment lorsqu’il y a abus, donc le juge peut demander de rejeter la demande ou l’acte de procédure, supprimer une conclusion, donc des mesures très concrètes. Dans le deuxième alinéa, c’est lorsqu’il paraît y avoir un abus. Donc, si je comprends bien, le juge n’est pas tout à fait sûr qu’il y a un abus et il y a des mesures qu’il peut entreprendre s’il y a apparition d’abus. Donc, le deuxième, c’est vraiment «paraît y avoir un abus».

(Consultation)

Le Président (M. Marsan): Alors, Mme la ministre, ça va? Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: …ce que la ministre dit, je serais à l’aise, mais, en fait, le deuxième alinéa, il dit «dans un tel cas», donc dans le cas où il y a abus, parce que le premier alinéa dit…

Mme Weil:«Dans un tel cas», oui, c’est vrai, «dans un tel cas».

Mme Hivon: C’est ça, «ou lorsqu’il paraît y avoir abus». Puis, moi, ma question, c’est: Pourquoi on ne prévoit pas justement que, la deuxième série de mesures, ce sont des mesures applicables lorsqu’il y a apparence d’abus, mais que, lorsqu’il y a abus déclaré ? on est dans un domaine encore beaucoup plus évident, il y a abus ? que ce soient les mesures du premier alinéa qui s’appliquent? Mais que ce soit beaucoup plus clair, la distinction.

En fait, j’ai un peu de mal à comprendre s’il y a abus. Si le tribunal en vient à dire: Il y a abus, comment on peut continuer une instance, faire de la gestion d’instance?

Mme Longtin (Marie-José): C’est qu’en fait je pense que ce qu’on… ce qui était visé, ce qui est visé… Disons, dans le premier cas, il y a abus manifeste, donc il a rejeté la demande en justice, ça, ça règle le dossier, il ne se passe plus rien. Disons qu’il rejette un acte de procédure ou supprime une conclusion, ça, c’est un geste qu’il peut faire, mais il pourrait aussi considérer que, dans un tel cas, il rejette, disons, l’acte de procédure, pour éviter… si on a fait un abus ici, il est possible qu’on en fasse d’autres, donc de dire: Je vais contrôler ce dossier-là par d’autres mesures aussi.

Mme Hivon: Dans un tel cas, l’acte, par exemple, de procédure serait déclaré abusif, mais ça ne veut pas dire que l’ensemble de la demande ou de l’instance serait abusive.

Mme Longtin (Marie-José): Non.

Mme Hivon: Donc, en fait, je pense que l’idée de l’apparence d’abus pourrait continuer à être maintenue dans le sens qu’il pourrait y avoir un acte qui, parmi tant d’autres, est clairement abusif, on le rejette, voilà, et le reste, on serait… on resterait quand même, je dirais, dans l’environnement du deuxième si on venait dire que c’est juste l’apparence d’abus, parce que le reste de la demande pourrait être jugé comme comportant une apparence d’abus mais qu’on ne déclarerait pas. En fait, moi, c’est que je trouve qu’il y aurait… ce serait beaucoup plus clair si le deuxième alinéa s’appliquait, sauf la question de la provision pour frais, là, pour laquelle je vais revenir, mais, en gros, que le deuxième alinéa, en fait le deuxième alinéa et les 1° à 5° s’appliquent quand on est face à une apparence d’abus. Parce que je trouve que…

Moi, j’ai du mal à concevoir qu’on soit face à un abus. On peut être face à un abus pour la demande globale, on peut être face à un abus pour un acte, mais l’abus peut être très, très restreint sur un seul acte, mais ça ne fait pas en sorte qu’il y a moins abus. Il y a abus, donc il y a conséquence, il y a sanction de l’abus. Et on peut poursuivre pour les autres mesures, pour les cas d’apparence d’abus. Je ne sais pas si vous me suivez, là. Il me semble que, pour les fins de l’application par les tribunaux… Parce qu’en fait, là, il peut y avoir abus, mais le tribunal peut décider: Il y a abus, mais on continue à entendre l’instance, on va juste faire une gestion plus serrée, puis tout ça. Il me semble que ce n’est pas une sanction très forte.

n(15 h 50)n

Mme Weil: Dans un premier cas… Donc, premier cas, on s’entend, on peut rejeter. Dans le deuxième, disons que c’est un acte de procédure dans le cadre de l’instance, donc c’est juste l’acte de procédure où il y a abus, mais… donc, le juge va vouloir une gestion plus serrée de toute l’instance. Donc là, les mesures 1° à 4° sont utiles.

Où il y a peut-être un cas d’abus… Et je pose la question autant que de répondre, c’est un peu à Mme Longtin, c’est que: Est-ce qu’on pourrait imaginer où c’est un abus moindre, donc qui ne nécessite pas nécessairement un rejet, mais qu’il y a quelque chose dans… Parce que «dans un tel cas» semble se référer évidemment au cas d’abus, et donc le juge va vouloir un contrôle plus serré de l’instance.

Mme Longtin (Marie-José): C’est ce qui est prévu. C’est ça.

Mme Weil: Donc, ce n’est pas l’abus qui nécessite le rejet de la demande.

Une voix: …

Mme Weil: C’est l’acte de procédure. «Dans un tel cas» se réfère à la demande en justice ou l’acte de procédure.

Mme Longtin (Marie-José): Oui.

Mme Weil: C’est les deux cas. Donc, si c’est la demande en justice et qu’on décide… que le juge décide 1°, 2°, 3°, 4°, c’est qu’il n’a pas estimé qu’il fallait rejeter l’action. Donc, c’est une situation entre les deux. Donc, c’est de donner la latitude au juge d’évaluer le cas.

Le Président (M. Marsan): Je pense qu’il y avait une question ou un commentaire. Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: C’est juste pour essayer de comprendre, là. Donc, s’il y a une apparence d’abus quant à la forme au niveau de la gestion… dans la forme qu’a prise la procédure et pas nécessairement sur le fond de la procédure, là il pourrait y avoir une gestion plus serrée qui donnerait lieu aux différentes conditions, entre autres l’octroi d’une provision pour frais. Lorsqu’il y a, dès le départ… Lorsque, dès le départ, le tribunal considère que, sur le fond du litige, à sa face même, la procédure est abusive, bien il y a rejet de la procédure, puis on n’en parle plus. Donc, la procédure introductive d’instance est mise de côté.

Mais, s’il n’y a pas… Si je vous comprends bien, là, si le juge considère qu’il subsiste une apparence de droit ou un élément qui doit être étudié au fond, à ce moment-là, le tribunal imposera des critères serrés pour assurer que la partie défenderesse pourra continuer de faire valoir ses droits dans le contexte où il y a une apparence de… Est-ce que c’est bien ça? O.K.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci.

Mme Weil: Mme Longtin, je ne sais pas si vous avez quelque chose à rajouter.

Le Président (M. Marsan): Ça va. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Est-ce que Mme Longtin voulait peut-être confirmer?

Le Président (M. Marsan): Excusez.

Mme Hivon: Non? O.K. En fait, c’est que j’ai juste… Il me semble que ce serait… Je comprends que l’abus, il peut être sur un élément partiel, pas sur la totalité, mais il y a abus ou il n’y a pas abus. En fait, j’ai du mal avec la notion qu’il peut y avoir un demi-abus ou un abus moins grave. Je me dis: Il y a soit abus ou apparence d’abus. Je comprends la notion d’apparence d’abus, mais il me semble que, quand on est face à un abus, c’est précisément ce que vient prévoir le premier alinéa, il y a un geste de posé, un rejet, une radiation d’un élément, tout ça, il y a une mesure de prise pour sanctionner l’abus. Que l’abus porte sur un élément ou sur la totalité, il y a une mesure proportionnelle qui est: On sanctionne l’abus de telle manière.

Mme Weil: Je comprends le…

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme Weil: Excusez-moi. Je comprends l’intervention de la députée. J’essaie de trouver les mots actuellement. C’est peut-être «outre» au lieu de…

Mme Hivon: Oui…

Mme Weil: Au lieu de «dans un tel cas», c’est peut-être «outre».

Mme Hivon: Je me demande si le deuxième alinéa, là, on ne devrait pas juste dire: «Lorsqu’il paraît y avoir abus» ou «Toutefois, lorsqu’il paraît y avoir». Je ne sais pas si vous suivez mon raisonnement, c’est que… En fait, je me dis: Est-ce qu’on n’envoie pas un signal un peu confus de dire: il peut y avoir abus avec les sanctions du premier alinéa; il peut aussi y avoir abus sans sanction du premier alinéa où, là, on va juste faire une gestion d’instance? Il me semble que j’irais plus sur la notion d’apparence d’abus dans ce cas-ci parce que je suis tout à fait le raisonnement qu’il peut y avoir un acte dans la demande globale qui soit abusif, auquel cas il y a une sanction, on le rejette, ou on radie une conclusion, ou tout ça. Mais je me dis: pour le reste qui demeure, ce n’est pas abusif si on ne le déclare pas abusif. Donc, ca peut être peut-être en apparence abusif, auquel cas toute notre panoplie d’autres mesures continuent à s’appliquer.

Mme Longtin (Marie-José): Mais il peut en apparence ne pas être abusif aussi.

Mme Hivon: C’est ça.

Mme Longtin (Marie-José): Mais il y aurait peut-être la possibilité de voir… de dire: Outre les sanctions qui sont prévues au premier alinéa… enfin…

Mme Hivon: Outre les mesures, oui.

Mme Longtin (Marie-José): …les mesures prévues au premier alinéa, il peut, s’il l’estime approprié. Donc, disons qu’il rejette un acte de procédure, ou il supprime une conclusion, ou refuse trois interrogatoires, etc., et, à ce moment-là, il estime approprié de prendre d’autres mesures pour bien gérer le reste de l’instance et éviter que… de renouvellement d’abus, ou des répétitions, ou des choses comme ça. Ce serait peut-être plus précis.

Le Président (M. Marsan): Merci, Me Longtin.

Mme Hivon: Et mon but, je ne voulais pas qu’on élimine la notion d’apparence d’abus, parce que, c’est ça… En fait, je trouve qu’il y a une valeur pédagogique, en tout cas, c’est… On fait de la pédagogie puis de l’incitation à la bonne conduite avec ce projet de loi là. Donc, je me disais: Il me semble que ça… il y aurait une valeur supplémentaire à venir vraiment dire: abus, voici ce qui se passe; apparence d’abus, on n’est pas capable de déclarer qu’il y a un abus comme tel, mais il y a apparence d’abus, et voici les mesures qui pourraient être mises de l’avant. Alors que, s’il y a abus, il me semble qu’il faut être clair puis dire: Voici les mesures. Il ne peut pas y avoir comme un demi-abus, là.

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

(Consultation)

Mme Hivon:«Dans un tel cas», je l’interprète correctement, là, en voulant dire… ça veut dire dans un cas d’abus, puisque c’est de ça qu’on parle au premier alinéa. Donc, on a les deux cas de figure, hein, dans le deuxième: l’abus ou l’apparence d’abus.

Mme Weil: Et je regarde…

Mme Hivon: En tout cas, je sais que vous avez réfléchi beaucoup à…

Mme Weil: Mais je regarde la première version, 99, et les commentaires des gens à ce moment-là. Là, il y avait 54.3 et il y avait 54.4. Et les commentaires des gens, c’est qu’ils trouvaient qu’il y avait de l’ambiguïté sur la portée de la règle. Donc, ici, on voulait clarifier la portée…

Mme Hivon: En fait, dans la première mouture, il y avait un article qui commençait sans…

Mme Weil: Il y avait le 54.3 qui disait: «Le tribunal peut, dans un cas d’abus, rejeter la demande en justice, supprimer une conclusion», et on ne parlait pas de l’acte de procédure dans 54.3, dans la première version. Et on avait un 54.4 qui disait: «Le tribunal peut, s’il l’estime approprié», et il y avait toutes les mesures, 1°, 2°, 3°, 4°…

(Consultation)

Mme Weil: Et ce que je propose, parce que la question, je la comprends dans le sens qu’il y a une clarification à amener: Est-ce qu’on pourrait continuer peut-être l’étude… Et ensuite il faudrait qu’on prenne une pause, parce que je ne voudrais pas qu’on amène un changement qui pourrait dénaturer l’intention, puis il faudrait vraiment bien regarder les commentaires qui avaient été faits par les parties.

Mme Hivon: C’est ça. Je ne veux pas non plus qu’on fasse ça sur un coin de table, donc vous prendrez tout le temps qui est requis. Mais je trouvais que… De ma perception, c’est que je pense que c’était bien de passer des deux articles qui étaient dans la première mouture à un seul, parce que le deuxième article, là… je ne l’ai pas devant moi, le projet de loi n° 99, mais il y avait peut-être une confusion aussi, donc on a voulu répondre à ça. Je pense que c’était un changement heureux.

Mais, en le faisant… en tout cas, en le relisant, il me semble qu’il y a une confusion, à savoir quand on est en abus puis en apparence d’abus. Puis, vu qu’on est en droit nouveau et qu’on veut maximiser les chances que les résultats que l’on souhaite soient effectivement produits, il me semble qu’il y aurait peut-être matière à clarification. Donc, on peut continuer l’étude de l’article, puis on y reviendra.

Le Président (M. Marsan): Alors, vous suggérez que 54.3 serait suspendu?

Mme Hivon: J’ai d’autres questions pour 54.3.

Mme Weil: On va continuer avec les questions, et puis, là, si on a d’autres questions ou clarifications, on prendra…

Le Président (M. Marsan): Alors, on continue sur 54.3.

n(16 heures)n

Mme Hivon: Parce que c’est vraiment le coeur, là. O.K., très bien. Toute la question de la provision pour frais m’amène avant la question, fameuse question du fonds. On sait que le rapport MacDonald-Noreau-Jutras avait mis de l’avant l’idée d’instaurer vraiment un fonds, un fonds d’aide pour les citoyens ou les organismes qui se retrouveraient aux prises avec une poursuite-bâillon.

On voit que ce n’est pas une mesure qui a été retenue dans le projet de loi, puis j’aimerais comprendre pourquoi la ministre a rejeté cette avenue-là, qui avait été recommandée dans le rapport.

Mme Weil: Donc, il y a certains organismes, les professeurs MacDonald puis Noreau avaient trouvé l’idée intéressante. Il y a la disposition de provision pour frais qui vraiment répond, selon nous, selon moi, à l’inquiétude de la partie qui est poursuivie de ne pas avoir les moyens de se défendre. Donc, tout de suite, le juge, en estimant qu’il s’agit d’un abus de procédure, pourra ordonner une provision pour frais.

Il y avait une inquiétude que… Bon, premièrement, il y a la capacité de payer de l’État, hein? Ça, il faut être très, très prudent avec l’argent des contribuables. Il ne faut pas créer des fonds à gauche, à droite, surtout lorsqu’on est dans un domaine carrément privé, on n’est pas dans un domaine public où… Je compare souvent au régime de l’assurance maladie, où il y a un consensus social qu’on est dans le public-public, il faut que l’État paie, et c’est l’argent des contribuables. On est dans un autre domaine. On fait de notre mieux pour essayer d’aider ceux qui n’ont pas les moyens, mais il faut être prudents par rapport à ça. Donc, c’est entre deux parties, mais en même temps on veut s’assurer que les justiciables ne soient pas défavorisés, puis qu’il n’y ait pas de déséquilibre, au point de vue économique, entre les parties, puis que le fait d’être poursuivi ne le mettrait pas dans une situation de vulnérabilité. Donc, la provision pour frais, une provision de dommages et intérêts, etc., va dans le sens de protéger le justiciable, le défendeur.

D’autre part, il y avait aussi une préoccupation que, si on rend un fonds disponible, premièrement, la célérité de la procédure serait peut-être ralentie, il n’y aurait pas de célérité parce qu’il y aurait des critères pour faire une demande au fonds, etc. Et l’idée de cette procédure, c’est d’aller rapidement et que le juge puisse déterminer rapidement est-ce qu’à sa face même il y a abus. Et, si oui, il y a une provision pour frais. Ça va nécessiter… ça va être une pression sur les parties d’agir rapidement. C’est plus flexible, plus souple. Et l’idée de toute cette procédure, c’est d’y aller rapidement parce que les conséquences d’une procédure qui serait prolongée, qui serait trop lourde, l’impact sur le défendeur vont être encore plus importants avec le temps.

Donc, il y a plusieurs éléments. Il y a, d’une part, qu’il y a la provision pour frais, qui est déjà là, éventuellement des dommages et intérêts aussi pour compenser les dommages subis par le défendeur; deux, de vouloir procéder rapidement. Un autre élément, que je n’ai pas mentionné mais… si on met un fonds disponible, je ne veux pas être cynique, mais ça pourrait amener à d’autres procédures. L’argent est là, il est disponible, et ça va alourdir. Ça pourrait rendre encore… d’autres types de procédures qui pourraient être prises, sachant que, bon, il y a un fonds qui va financer ces procédures, alors que l’intention, c’est l’inverse, c’est de s’assurer que rapidement on arrête les procédures lorsqu’elles sont abusives.

Donc, moi, j’ai estimé… Puis, toutes les discussions qu’on a eues, on a bien regardé les commentaires. Pour toutes ces raisons, on n’a pas estimé qu’on avait besoin de mettre sur pied un fonds.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Pour ce qui est de plus de demandes, et tout ça, s’il y avait un fonds, évidemment, si c’est un fonds spécifiquement dédié, par exemple, aux poursuites-bâillons, il faudrait que la partie soit défenderesse, donc je vois mal comment elle pourrait intenter elle-même une procédure en se disant: Il y a un fonds qui va me permettre… Enfin… Donc ça, je pense que ce n’est pas…

Une voix: …

Mme Hivon: Oui. Ça, ce serait mon premier commentaire. Pour ce qui est des délais que ça pourrait occasionner, c’est certain qu’il y aurait une étape supplémentaire, sauf que la partie, je pense, qui s’engagerait dans une demande au fonds, justement, si elle est déjà poursuivie via une poursuite-bâillon et qu’elle trouve ça très pénible dans sa vie d’organisme, de citoyen, et tout, si elle fait une demande au fonds, c’est parce qu’elle va avoir jugé que ça va l’aider, même s’il y a un petit délai, parce qu’elle est déjà avec des procédures sur les bras qui lui occasionnent beaucoup de problèmes.

Puis le troisième point que je voulais dire, sur la capacité de payer de l’État, je me demandais si l’avenue que… Je comprends l’idée de la capacité de payer de l’État, et qu’on est face à des parties privées, puis est-ce que c’est à tous les citoyens de dédommager ça. C’est une question qui se pose, mais il y avait des avenues autres qui étaient envisagées. Comme par exemple, je ne sais pas, est-ce que l’idée que les dommages punitifs qui pourraient être imposés à des parties puissent aider en partie, minimalement, à financer le fonds… Est-ce que des dommages punitifs, oui, dans le cadre de poursuites-bâillons mais aussi de manière générale, parce qu’on sait que, quand il y a des octrois de dommages punitifs, ça ne va pas à la partie, mais ça va à des organismes, tout ça… On sait que des fois il y a eu des formules originales qui ont été trouvées, comme, pour les victimes d’actes criminels, la suramende, ou tout ça.

Est-ce qu’il y a quand même des avenues qui avaient été explorées pour que ce soient, par exemple, les parties qui sont responsables et qui se font sanctionner par des dommages-intérêts punitifs qui puissent financer ce fonds-là, qui normalement ne devrait pas couvrir des centaines et des centaines de causes par année, si on espère que l’effet dissuasif du projet de loi joue? Alors, je me demandais si c’était une avenue, qui m’apparaît intéressante, qui avait été explorée pour le financement du fonds.

Mme Weil: D’entrée de jeu, je dois dire que, non, moi, je n’ai pas eu de discussion de ce genre. Je pense qu’on voulait s’assurer que la provision pour frais fasse la job, en bon français, et que le système judiciaire mette l’accent là-dessus. Donc, on arrête les procédures rapidement, et que le juge intervienne rapidement, et qu’il fasse une provision qui va protéger l’autre partie. C’était vraiment la vision derrière ça. Donc, on n’avait pas senti le besoin de créer un fonds parce que ça devrait normalement arrêter tout de suite tout dommage éventuel qui pourrait être causé par cette poursuite. Donc, c’est plus préventif. Donc, non, la réponse, c’est: Il n’y a pas eu de réflexion là-dessus.

Mme Hivon: Ça n’a pas été… Le fonds n’est pas une option que vous avez poussée très loin. Vous vous êtes engagés, vos… Les prédécesseurs de la ministre et la ministre se sont engagés dans l’avenue de la provision pour frais.

Mme Weil: Oui, et on avait beaucoup de groupes qui semblaient être tout à fait à l’aise, dans les commentaires qu’on a eus, avec la provision pour frais et des dommages-intérêts.

Mme Hivon: C’est parce qu’il y a évidemment une différence entre un fonds et une provision pour frais parce que, le fonds, à partir du moment où la demande est jugée admissible, les frais sont pris en charge, alors qu’une provision pour frais, évidemment, on ne sait pas si les tribunaux vont l’octroyer, si la partie va y avoir droit, ce que ça va couvrir, et… Donc, il y a quand même une différence dans l’étendue de la protection, là.

Mme Weil: Mais il me semble, M. le Président, qu’il y aurait ces mêmes contraintes lorsque la personne devrait faire une demande au fonds. Parce que, lorsque la personne ferait une demande au fonds, la partie devrait établir un peu sommairement les mêmes éléments qu’ils devraient établir devant le juge pour une provision pour frais.

Mme Hivon: Oui, en fait, les critères pourraient être, c’est ça, semblables, mais ce serait administré par un fonds et ce ne serait pas le tribunal qui viendrait décider de…

Mme Weil: Moi, je pense qu’il y a un avantage à ce que ce soit le tribunal rapidement parce que c’est le juge qui va rapidement voir la sévérité de la cause, et ça va être plus rapide. Je crains que de créer un fonds, ça va rendre très bureaucratique une instance ou un remède qui se veut rapide et léger, flexible.

Mme Hivon: J’entends donc l’intention de la ministre à cet égard et j’aimerais qu’on discute, donc, précisément de la provision pour frais, puisque c’est vraiment l’avenue qui a été retenue et dans laquelle la ministre semble mettre beaucoup d’espoir. Quand on dit «provision pour frais», dans l’optique de la ministre de la Justice, qu’est-ce que comprend la provision pour frais? Est-ce qu’elle peut comprendre simplement les frais judiciaires, les frais extrajudiciaires? Est-ce qu’automatiquement elle comprend l’ensemble des frais ou une partie des frais seulement? Quelle est la vision de la ministre là-dessus?

Mme Weil: Les frais, donc, des avocats, mais j’ai…

n(16 h 10)n

Mme Hivon: Ma question, c’est: Est-ce que ça couvre l’ensemble ou…

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre…

Mme Weil: Oui, un moment, s’il vous plaît.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): …j’ai compris qu’il y a une de vos collègues qui voudrait peut-être intervenir, mais là, en termes de priorité, allez-y, c’est vous qui me dictez, là, la voie à suivre pour l’instant, là. Vous souhaiteriez que Mme Longtin intervienne? Ça va? Oui. Mme la députée de Gatineau, ça va? Allez-y, Mme la députée.

Mme Vallée: Tout simplement, Mme la députée de Joliette, une provision pour frais, et je pense qu’on applique le même raisonnement qui est applicable dans d’autres articles du Code de procédure où des provisions pour frais sont prévues, entre autres en matière matrimoniale… Et, si vous avez eu la chance de pratiquer en droit matrimonial ou dans d’autres domaines en droit civil, vous savez très bien que les provisions pour frais sont applicables pour les honoraires, sont applicables pour les déboursés, pour les frais d’expertise. Bref, évidemment, il y a une preuve qui doit être administrée devant le tribunal en fonction du taux horaire du procureur, en fonction du type de dossier. Mais, moi, quand je lis ça, je ne présume pas qu’il y aura une règle différente de celle qui est généralement appliquée par les tribunaux de droit commun au Québec dans les instances civiles.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la députée. Mme la ministre.

Mme Weil: Donc, outre peut-être, Mme Longtin, les frais d’avocats, des dommages qui pourraient être subis ou des frais encourus, d’expertise ou autres, dépendant de la nature de la cause et de l’ampleur de la poursuite, je ne sais pas si… On a une liste d’exemples, mais est-ce que vous avez des commentaires sur ce que pourrait couvrir… au-delà de ce que j’ai mentionné?

Mme Longtin (Marie-José): Moi, je pense, comme la députée de Gatineau vient de le mentionner… ça va être la même interprétation que ce qui est fait dans d’autres secteurs actuellement et ça va couvrir les frais de l’instance et les frais qu’une partie assume pour se défendre.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme la députée.

Mme Hivon: Si on vient le prévoir expressément, toutefois, et qu’on le redit noir sur blanc dans un nouvel article, c’est parce qu’on veut marquer le pas et peut-être en faire un incitatif supplémentaire. Parce qu’effectivement, dans l’état actuel du droit, le juge pourrait déjà venir octroyer une provision pour frais. Or, j’imagine que, le législateur ne parlant pas pour ne rien dire, si ça apparaît au 5° de l’article, c’est parce qu’on a voulu faire oeuvre pédagogique et peut-être donner l’idée aux tribunaux de venir l’octroyer spécifiquement quand on est en matière de poursuites abusives. Parce que sinon, si la députée de Gatineau… et effectivement elle a raison de dire que ça existe déjà, mais, si on vient le remettre dans cet article-là, j’imagine qu’il y a une valeur ajoutée ou il y a un objectif qu’on poursuit.

Mme Longtin (Marie-José): Oui. Alors, je pense qu’en matière familiale c’est chose courante que ces provisions pour frais, pour rétablir l’équilibre entre les parties, mais dans les autres matières je pense que les tribunaux se sentent un peu liés par les décisions, entre autres d’Okanagan, et donc on reste dans des critères très précis et très limitatifs. Et c’est une ouverture pour éviter justement cette interprétation qui est donnée ici, à 5°, et qui, par rapport au 99, a aussi été assouplie à la suggestion de plusieurs pour faciliter la décision.

Mme Hivon: C’est ça. En fait, c’était ma conception que, dans les faits, dans la réalité, la jurisprudence, outre familiale, c’est très, très, très rarement octroyé. Puis, quand je regarde les critères de l’arrêt Okanagan, là, qui était d’ailleurs repris dans le rapport MacDonald, on voit que, s’il ne dispose réalistement d’aucune autre source de financement lui permettant de soumettre les questions en cause au tribunal, ils seraient contraires aux intérêts de justice et revêtent une importance pour le public. Donc, les critères sont quand même très balisés et pas facilement, je dirais… en tout cas, ce n’est pas dans tous les cas qu’on est capable de les rencontrer. Donc, de ce que j’avais compris, c’est qu’il y avait vraiment une volonté d’essayer de sortir de ce cadre-là très, très strict.

Est-ce que le seul fait de l’inscrire dans le corps de l’article 54.3, selon la ministre, selon l’interprétation du ministère, ça va être suffisant pour venir un peu se dédouaner de l’interprétation qui est celle de l’arrêt Okanagan?

Mme Weil: Oui, tout à fait.

Mme Hivon: Parce qu’on est en train d’écrire un nouvel article sur la provision pour frais, donc…

Mme Weil: Très concret, avec un impact. Avec le préambule qu’on a, avec tout l’esprit de ce projet de loi, on encourage évidemment le juge à être interventionniste, dans une certaine mesure, et on parle aussi, dans le préambule, du déséquilibre, entre les parties, économique. Évidemment, cette provision pour frais est là justement pour rétablir un équilibre.

Mme Hivon: Donc, selon vous, il n’y a pas de doute qu’une partie qui viendrait plaider que les critères d’Okanagan doivent être suivis se verrait dire qu’on est dans un contexte législatif différent et qu’il y a matière à interprétation différente.

Mme Weil: Tout à fait.

Mme Hivon: Parfait. Justement, dans le 5°, l’alinéa sur la provision pour frais, on parle… «si les circonstances le justifient». Est-ce que vous avez déjà en tête… la ministre et ses collaborateurs ont en tête le type de circonstances qui risquent d’être vues comme justifiant la provision pour frais par les tribunaux? Parce qu’il y a le critère de la situation économique qui arrive par la suite, mais avant il y a «si les circonstances le justifient», puis dans son commentaire la ministre montrait bien qu’en fait les deux critères doivent être remplis. Donc, il faut que les circonstances le justifient. Et, s’il constate que sans l’aide il y aurait une situation économique difficile, là, pour une des parties… Donc, quelle interprétation vous faites de «si les circonstances le justifient» ou quel type d’interprétation font les tribunaux, en général, quand on a un tel libellé?

Mme Weil: Moi, je vous dirais, dans un premier temps, c’est évidemment pour donner le maximum de latitude au juge de déterminer toutes les circonstances. Je n’ai pas d’exemple en particulier, mais évidemment, sans cette aide, la partie risque de se retrouver dans cette situation économique, ça, c’est évident. Et il y aurait peut-être d’autres circonstances. Donc, c’était le désir de le maintenir aussi large et flexible que possible pour le juge.

Mme Longtin (Marie-José): Bien, il pourrait effectivement considérer qu’on est dans le cadre d’un débat public, et c’est une des circonstances qui peut justifier, là, d’aider pour vérifier justement la… compte tenu de l’ampleur que la chose a pu prendre. Ça pourrait être aussi la capacité de payer du demandeur parce que ce n’est pas nécessairement toujours des multinationales. Ça pourrait être aussi… dépendant aussi… l’interprétation de la première ligne, là. Donc, si, par exemple, il a supprimé un acte de procédure, et que par la suite il estime certaines mesures appropriées, puis qu’une partie vient demander une provision pour frais, alors que par ailleurs les circonstances du cas ne justifient pas nécessairement une telle attribution, bien là ça pourrait être une circonstance aussi.

Mme Hivon: O.K. Puis, pour ce qui est de la situation économique, «telle qu’elle ne pourrait faire valoir son point de vue valablement», ça aussi, évidemment, ça va être à l’appréciation des tribunaux, là. Mais admettons un cas où une partie, un organisme a peut-être un certain fonds qu’on va juger qu’il peut être dépensé pour l’instance, mais que l’utilisation de cet argent-là, de ce fonds-là qu’ils auraient les empêche de continuer, je dirais, à effectuer leur travail quotidien correctement, réduit leurs activités, leur publication, et tout ça, est-ce que, selon l’interprétation de la ministre, le critère est assez large pour venir dire que ce n’est pas que la situation économique pour être capable de, par exemple, payer la prochaine procédure, mais vraiment la situation économique globale? Parce qu’ici on parle de faire valoir son point de vue valablement, donc ça ne parle quand même pas de la situation économique générale de l’organisme, de sa viabilité financière.

n(16 h 20)n

Mme Weil: Je suis d’accord avec la députée. Il ne faudrait pas que ce soit justement parce qu’ils ont un fonds qui serait dédié à autre chose dans leur mission que de mettre ce fonds-là en péril, et donc le juge peut apprécier les circonstances. Et d’ailleurs souvent ces fonds-là sont même intouchables, si c’est des organismes de bienfaisance, parce que c’est des dons, etc., et donc personne n’aurait le droit de toucher à ces fonds-là, et que ces fonds-là doivent carrément être mis à la disposition de la mission de l’organisme. Donc, j’abonde tout à fait dans le même sens et je crois que le langage, surtout «si les circonstances le justifient», permet de donner cette latitude au juge, et l’interprétation d’une situation économique plus faible ne permettrait pas de piger dans des fonds qui mettraient en péril l’organisme.

Mme Hivon: O.K. Ça, ça va. Mais, moi, ma question, c’était l’inverse. Mettons qu’il y a un certain fonds de roulement qui pourrait être disponible pour, à court terme, là, payer un peu les premières procédures, mais que l’utilisation de cet argent-là, qui n’est pas dédié, là, qui n’est pas comme les dons de charité, ou tout ça, mais qui est le fonds de roulement de l’organisme, le fait de dépenser l’entièreté de ce fonds-là fait en sorte que l’organisme n’est plus viable financièrement pour agir, répondre à sa mission, les objectifs, bon, tout ça. Est-ce que, selon la ministre, c’est une interprétation correcte? En fait, est-ce que le tribunal devrait considérer ça aussi comme le fait d’une situation économique qui fait en sorte «qu’elle ne [peut] faire valoir son point de vue valablement», si ça affecte à ce point sa capacité d’agir qu’elle se retrouve…

Mme Weil: Il ne faudrait pas que l’organisme se retrouve dans cette situation, et la célérité des procédures qu’on entrevoit, ce serait justement que le juge puisse rapidement déterminer qu’à sa face même, même sans avoir fait la preuve absolue, il a un certain doute qu’il s’agit d’une procédure abusive. Il va faire une provision pour frais afin que l’organisme ne soit pas dans une position de piger dans un fonds de roulement qui le maintient en vie. Ça, il me semble que tous les juges verraient ça assez… de façon évidente parce que là l’organisme disparaîtrait et là la liberté d’expression de l’organisme serait tout à fait en péril parce que l’organisme n’existerait plus. Donc, il me semble que rapidement les juges le verraient, qu’il ne faudrait pas que l’organisme soit dans une situation de vulnérabilité dans ce sens-là.

Mme Hivon: En fait, je suis contente d’entendre la ministre dire ça, là, parce que ma question, quand on lit… Je pense que la provision pour frais est très importante, là, du fait justement que le fonds a été mis de côté puis qu’on met tous nos oeufs dans l’idée de la provision pour frais pour essayer de venir équilibrer les parties lorsqu’on aura jugé que la demande doit suivre son cours mais qu’il y a peut-être apparence d’abus, là.

C’est parce qu’il y a deux conditions, hein? Il y a «si les circonstances le justifient» et il y a «s’il constate que sans cette aide cette partie risque de se retrouver…» Donc, le critère économique, là, «risque de se retrouver dans une situation économique telle que ne pourrait faire valoir son point de vue valablement», est quand même très important parce que «les circonstances [qui] le justifient» ne sera pas suffisant pour l’octroi de la provision pour frais, tel que l’article est libellé présentement. Il faut vraiment, de ce que je comprends, là, de l’interprétation du «et», que les deux critères soient remplis, donc que «les circonstances le justifient» et qu’il «constate que sans cette aide cette partie…» Bon.

Alors, c’est pour ça que je trouve ça très important de savoir si c’est le meilleur libellé possible de dire «faire valoir son point de vue valablement», pour s’assurer qu’il va y avoir une interprétation large quant à la survie économique et financière de l’organisme ou des citoyens qui sont aux prises avec une poursuite en apparence abusive, là. C’est pour ça que je me demandais si ça, ça ne devrait pas être… Est-ce que c’est vraiment le bon libellé qu’on veut ou est-ce que ce n’est pas trop restrictif?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): …simplement ? désolé de vous interrompre quelques instants ? je veux juste signifier, Mme la députée de Joliette, qu’il ne vous reste plus de temps d’intervention sur l’article 54.3. Toutefois, la ministre a l’opportunité de répondre, compte tenu… Vous connaissez nos règles, hein, c’est 20 minutes, compte tenu du cinq minutes d’intervention à la réponse, donc vous avez amplement le temps, Mme la ministre. Et dans l’intervalle je devrai mettre aux voix l’article 54.3, là, si la ministre n’a plus d’intervention. Mme la ministre.

Mme Weil: La manière que j’ai lue cette disposition, c’était justement dans l’optique qu’on semble partager, c’est-à-dire que le juge apprécie les circonstances, donc voit déjà qu’il y a, premièrement, déséquilibre, peut-être c’est un organisme, peut-être c’est un individu dans une situation de vulnérabilité, voit qu’il y a un abus et aussi qu’à moins d’avoir une provision pour frais, évidemment, la partie défenderesse ne pourrait faire valoir son point de vue. Donc, l’objectif, c’est large, avec beaucoup de discrétion pour le juge. C’est l’interprétation que, moi, je donne à ces paroles-là.

Mme Longtin, je ne sais pas si vous avez quelque chose à rajouter sur ça.

Mme Longtin (Marie-José): Non.

Mme Weil: Alors, ça complète mes commentaires.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va?

Mme Hivon: S’il y a consentement, est-ce que je pourrais…

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Absolument.

Mme Hivon: Parce qu’en fait…

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Avec le consentement…

Mme Hivon: …cet article-là, c’est vraiment le coeur du projet de loi, là, donc…

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): À la réponse à votre question, Mme la députée, oui, s’il y a consentement, on peut tout faire ou presque.

Mme Hivon: Est-ce que je pourrais avoir un 20 minutes supplémentaire, que je n’utiliserai peut-être pas au complet, mais j’avais d’autres petits points dans cet article-là, 54.3?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui? Consentement?

Mme Weil: Oui.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez-y, madame… Pour 20 minutes? Est-ce qu’on concède 20 minutes ou… un autre bloc de 20 minutes? Ça va. Je vous avertis, par consentement aussi, il m’a semblé que vous étiez d’accord à prendre une pause santé vers 16 h 30, donc…

Mme Hivon: Dans quatre minutes.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Bientôt, oui. Allez-y, Mme la députée.

Mme Weil: …cet article-là parce qu’on est dans le jus.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Absolument. Allez-y, Mme la députée.

Mme Hivon: Oui. Bien, O.K. En fait, je trouve ça… je suis contente d’entendre la ministre, mais je me demande si c’est suffisant pour s’assurer qu’on va avoir l’interprétation que l’on souhaite. Est-ce qu’en fait le libellé final, là, «elle ne pourrait faire valoir son point de vue valablement», ne pourrait pas être modifié pour dire: dans une situation économique telle que la survie de sa mission serait compromise ou sa viabilité financière même serait compromise, enfin quelque chose qui serait un petit peu plus large?

Mme Weil: …ça, ça présume un organisme.

Mme Hivon: Oui, enfin…

Mme Weil: Il faut faire attention parce que c’est des fois des individus.

Mme Hivon: Oui, oui.

Mme Weil: D’entrée de jeu, on n’a pas eu de… c’est la première fois qu’on a ce commentaire, mais dans les audiences… Donc, il faut que ça puisse aussi viser l’individu, hein, donc, qui serait dans une situation économique… Votre inquiétude, si je comprends bien, c’est, disons, un organisme de bienfaisance ou un organisme communautaire…

Mme Hivon: Ou une personne.

Mme Weil: Ou une personne.

Mme Hivon: C’est-à-dire que je trouve que c’est une chose de dire qu’elle serait «dans une situation économique telle qu’elle ne [peut] pas faire valoir son point de vue valablement». Ça, on le voit, c’est comme très à courte de vue, dans le sens que c’est de savoir est-ce qu’elle a de l’argent pour être capable de se défendre, payer un avocat, continuer la demande, qui visiblement se poursuit puisqu’on est dans le cas où ça n’a pas été rejeté. Donc, c’est une chose. Mais en fait la partie peut avoir un peu d’économies, qui vont être totalement engrangées dans l’instance, auquel cas le tribunal pourrait venir dire: Bien, à première vue, vous m’apparaissez dans une situation financière où il y a un petit peu d’argent qui vous permet de payer un avocat. Mais en fait ça peut être le cas, sauf qu’une fois que cet argent-là va être dépensé ou pendant que cet argent-là est dépensé l’organisme ou l’individu ne peut plus rien faire.

Exemple, elle ne peut plus… C’est ça, j’ai plus le cas d’un organisme parce que j’imagine qu’une personne, si elle n’était plus capable de payer son hypothèque, on estimerait qu’on est face à une situation où elle ne peut pas faire valoir son point de vue valablement. Mais, un organisme, je me dis: Si ses fonds vont tous dans l’instance et qu’elle n’est plus capable de remplir correctement… Je ne sais pas, elle produit des brochures mensuelles, elle n’est plus capable de produire ses brochures de sensibilisation, bon, des choses comme ça. Est-ce qu’on pense que c’est couvert par ça ou est-ce qu’on ne devrait pas être plus précis dans notre libellé pour que l’idée de la situation économique soit comprise au sens large, pour ce qui est du cas d’un organisme, de sa viabilité financière, du maintien de sa mission minimalement, là?

Je soumets… je soulève la question, là, pour être sûre qu’on ne se retrouve pas avec des mauvaises surprises ou des interprétations trop restrictives parce que le but d’aller insérer cet alinéa-là, c’est particulièrement de se sortir d’une interprétation actuelle qui est trop restrictive. Donc, il me semble qu’il faudrait s’assurer que…

n(16 h 30)n

Mme Weil: Il me semble, mais je suis ouverte à continuer à explorer, si l’organisme peut faire valoir rapidement devant le tribunal qu’il ne serait pas… ou que l’organisme risque sa viabilité s’il met son fonds de roulement, disons, dans… c’est-à-dire qu’il contribue à partir de son fonds de roulement ou autre, un autre fonds qu’il aurait. Ça répond exactement à: «situation économique telle qu’elle ne pourrait faire valoir son point de vue», parce qu’en se mettant à risque, dans ce sens-là, le juge va rapidement évaluer qu’il se met en situation de précarité. Donc, il faudrait que je voie un peu les mots auxquels vous pensez.

Mme Hivon: Je n’ai pas d’amendement. L’idée, c’était juste vraiment de susciter la réflexion là-dessus, minimalement de clarifier le point, l’intention de la ministre, et d’envoyer un signal clair. Donc…

Mme Weil: Je vais réitérer ce que je viens de dire. Oui?

Mme Hivon: …si toute l’équipe est convaincue qu’on envoie un signal clair, je vais me rendre à l’avis des experts, mais je veux être sûre qu’on envoie un signal clair.

Mme Weil: D’accord. Donc, ça vaut la peine de le répéter, je pense, que l’interprétation que j’ai, qu’on a, c’est que, justement, ces mots, «situation économique telle qu’elle ne pourrait faire valoir son point de vue valablement», ça comprend la situation où, dans le cas d’un organisme en particulier, parce qu’on ne peut pas parler de viabilité d’un individu, mais vraiment sa… Il ne peut pas mettre sa viabilité à risque, donc dans le sens qu’il faudrait vraiment… Et ce serait le cas de la plupart des organismes communautaires, ils n’auraient pas les moyens, justement, de se défendre en justice. Je pense que, rapidement, il y aurait une provision pour frais, parce que ça pourrait fragiliser rapidement un organisme qui serait obligé de dédier des fonds à une action en justice.

Est-ce que, Mme Longtin, vous avez d’autres commentaires dans l’interprétation? Ça va.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Mme la députée.

Mme Hivon: Donc, tout le monde est rassuré que ça va être interprété largement pour ce qui est du critère économique. La ministre n’est pas inquiète du fait de…

Mme Weil: Pas inquiète. Et, je dirais aussi, comme je le disais ce matin, on est en train d’établir du droit nouveau. Bien intéressant. On a vu par ailleurs que, je pense que c’est en Californie, ils ont amené des amendements au fur et à mesure lorsqu’ils ont vu que peut-être qu’il y a des aspects de leur loi qui n’étaient pas assez forts, ou de nouvelles circonstances, et ils ont modifié la loi. Je pense qu’on va tous suivre l’évolution du droit ici, puis de l’interprétation de ce projet de loi par les tribunaux. Et, s’il y a des ajustements à faire dans le temps, on pourra les faire.

Mme Hivon: Parce que mon souci, c’est quand même qu’on parte du meilleur…

Mme Weil: Oui, oui. Tout à fait.

Mme Hivon: …pied possible. Il y a des causes pendantes auxquelles ça va s’appliquer, et évidemment il ne faudrait pas non plus que, juste parce qu’on pense que les tribunaux vont l’interpréter, on ne soit pas plus…

Mme Weil: Non, tout à fait. Et je pense que je vais réitérer le préambule et le troisième paragraphe du préambule qui pourrait être utilisé pour interpréter cet article-là.

Mme Hivon: O.K., parfait. Puis, dernier point sur la provision pour frais ? je sens un grand optimisme de la ministre, qui souhaite et pense que ça va être appliqué abondamment. Évidemment, il faut comprendre que, la majorité des cas, quand la provision pour frais va être demandée, on va être dans un cas où la demande n’a pas été rejetée d’emblée, donc on va être dans un cas où il y a quand même une démarche judiciaire longue, avec beaucoup de sous, démarches et possiblement de procédure incidente qui suit son cours, donc un fardeau important pour la partie qui doit se défendre, notamment dans le cas d’une poursuite-bâillon, évidemment.

Je me demandais s’il n’y aurait pas lieu, pour ce qui est de l’alinéa sur la provision pour frais, d’en faire… plutôt qu’un «peut», «le tribunal peut», que c’est le tribunal «doit», pour envoyer un signal plus clair. On garde les mêmes… on garde les mêmes circonstances, il y a quand même «si les circonstances le justifient et s’il constate que, sans cette aide, cette partie risque de se retrouver dans une situation économique», mais on envoie un signal plus fort, parce qu’on dit: Dès lors que ces deux critères-là sont remplis, le tribunal doit octroyer la provision pour frais. Parce que la ministre n’est sans doute pas sans savoir qu’il y a quand même beaucoup de craintes de la part des organismes et des observateurs du projet de loi qu’il va quand même continuer à y avoir une grande retenue, compte tenu de l’état actuel de la jurisprudence, dans l’octroi de la provision pour frais. Alors, il me semble qu’on pourrait envoyer un signal encore plus clair si on mettait un «doit» plutôt qu’un «peut».

Mme Weil: Il faudrait ? on pense tout haut, là ? ajouter une phrase. Donc, il faudrait faire une autre… une nouvelle phrase qui dirait «devra», donc «le tribunal devra ordonner ? au lieu que ce soit un 5°, ce serait un autre article ? à la partie qui a introduit la demande en justice». C’est ça, l’idée. Donc, on aurait le 1°, 2°, 3°, 4° et ensuite…

Mme Hivon: Puis il y aurait un 5°.

Mme Weil: Je vais demander peut-être…

(Consultation)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Il y avait une pause santé de prévue à 16 h 30. Compte tenu de la situation, je crois que nous allons prendre cette pause, et ça nous permettra peut-être de conclure pour l’article au retour, l’article 54.3. Donc, je suspends les travaux pour une dizaine de minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 37)

(Reprise à 16 h 52)

Mme Weil: …M. le Président, à l’article 54.3.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Si tel est votre voeu. L’amendement plutôt.

Mme Hivon: Où on a laissé. En fait, est-ce qu’on pourrait terminer le…

Mme Weil: L’autre sur le… L’autre, O.K.

Mme Hivon: …le dernier puis après revenir?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux après cette pause hautement profitable pour chacun d’entre vous. Je dois comprendre donc que nous avions un amendement, parce que le temps écoulé… À moins que, Mme la ministre, vous vouliez intervenir sur 54.3, il vous reste encore du temps, bien sûr. Et, pour ce qui est de l’opposition, j’ai cru comprendre que vous vouliez introduire un amendement.

Mme Hivon: Mon 20 minutes n’est pas… mon 20 minutes n’est pas écoulé.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Pas sur l’amendement, non. Sur l’article 54.3.

Mme Hivon: J’avais demandé un 20 minutes supplémentaire, qui m’a été octroyé de consentement.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ah oui! Vous me rappelez à l’ordre, Mme la députée. Désolé, vous avez tout à fait raison qu’il y avait consentement. Désolé.

Mme Weil: Il y avait deux éléments qu’on voulait revenir…

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Je me suis égaré. Ça va, allons-y.

Mme Weil: Alors, provision pour frais, voici mes commentaires. C’est que ce nouveau libellé venait répondre aux demandes des groupes qui voulaient qu’on enlève… Dans la version 99… la loi n° 99, on parlait d’«ordonner pour des motifs sérieux». Donc, on a enlevé «motifs sérieux». Et, à la fin de l’article, on parlait de «l’impossibilité de valablement faire valoir son point de vue», et là on parle: «s’il constate que sans cette aide cette partie risque de se retrouver dans une situation économique telle qu’elle ne pourrait faire valoir son point de vue». Donc, déjà le libellé semble… répond aux demandes des groupes.

Deuxièmement, dans le Code de procédure civile, il n’y a pas cette tradition d’ordonner au tribunal ? on a cherché d’autres dispositions, Mme Longtin pourra peut-être en parler un peu plus longuement ? d’ordonner quoi que ce soit à un juge, on lui laisse la latitude. Et, dans ce cas-ci, on lui donne vraiment une grande marge de manoeuvre, c’est-à-dire d’apprécier les circonstances. On a pensé aussi que le risque… On pourrait avoir un effet pervers, dans le sens que le juge, se sentant contraint, ne va pas trouver que les circonstances le justifient, ou les deux conditions qu’on… et pourrait être très restrictif dans l’application de cette procédure. Ça pourrait être un effet pervers.

Peut-être, sur la question des libellés du Code de procédure civile, ce qu’on voit dans la norme des choses, je demanderais à Mme Longtin peut-être de s’exprimer en tant que légiste et experte du Code de procédure civile. Si vous avez des commentaires.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme Longtin.

Mme Longtin (Marie-José): Oui, M. le Président. En fait, je ne voudrais pas jurer, parce qu’en l’absence d’un repérage précis et exhaustif, mais je note au moins deux dispositions où je sais que le législateur voulait vraiment faire en sorte de modifier une pratique ou de faire en sorte que le tribunal fasse… ou agisse dans un certain sens. Et ce qu’on y trouve, c’est un participe… pas un participe, enfin tout simplement l’utilisation du présent. On va dire, par exemple: «Au moment où le tribunal prononce telle chose, il statue aussi sur». Ou encore il y avait la question, qui avait fait difficulté, de l’interrogatoire des majeurs au moment de prononcer une mise… en fait un examen, une évaluation psychiatrique. Donc, on dit «il interroge», et on ne lui dit pas «il doit interroger», mais le message… ou «il est tenu de faire telle chose». Mais on évite le «doit».

Mme Hivon: Moi, je n’ai pas de problème avec ça, on peut dire «il ordonne», mais en faire un alinéa propre, en fait qui pourrait même être l’alinéa introductif, si on voulait… c’est-à-dire du deuxième alinéa: «Dans un tel cas ou lorsqu’il paraît y avoir un abus, le tribunal ordonne», à la partie qui a introduit la demande, puis là on reprend le 5°, puis ensuite mettre: «le tribunal peut également, s’il l’estime approprié», 1°, 2°, 3°, 4°. Donc, on viendrait marquer le pas, on n’introduirait pas de «doit». La provision pour frais apparaîtrait en premier, ce qui pourrait marquer l’importance qu’on y accorde. Et on viendrait prévoir les deux cas en mettant l’accent un petit peu davantage sur l’importance que le législateur y accorde.

Je veux simplement dire que, oui, les groupes avaient demandé que les critères de la provision pour frais soient, je dirais, plus ouverts parce qu’il y a une crainte vraiment réelle, et que je partage, que, du fait de l’état actuel de la jurisprudence, ce soit quand même interprété restrictivement. Et là, quand on conjugue le «peut», donc il n’y a pas d’affirmation, de temps présent ou de «doit». Le «peut», avec les deux conditions, il y a vraiment toute la marge de manoeuvre: il peut même, si les circonstances le justifient et qu’il constate que, sans cette aide, elle pourrait être dans une situation où elle n’est pas capable de faire valoir son point valablement… il pourrait quand même… le tribunal a quand même le droit de ne pas octroyer la provision pour frais. Ce que je trouve un signal un peu ambivalent quand on dit à quel point on mise sur cette mesure-là.

Et j’ajouterais que les groupes demandaient d’abord… enfin plusieurs intervenants demandaient un fonds, la mise en place d’un fonds. Et je pense que ce serait une belle ouverture de la ministre de dire: J’ai refusé la demande d’un fonds, j’axe le projet de loi et mes espoirs sur la provision pour frais, mais j’en fais quand même un élément fort important en ne le mettant pas dans le même lot que les autres, avec le «peut», mais j’en fais quelque chose de plus fort.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre.

Mme Weil: Oui, M. le Président. Je serais très prudente, et j’écoute beaucoup les juristes qui… parce qu’on touche au Code de procédure civile, on touche au droit civil. Ça m’inquiète de jouer avec des mots, surtout si c’est des mots qu’on ne retrouve pas généralement et que la tendance ou la culture qu’on a, c’est plus de donner cette discrétion au tribunal, surtout à la lumière du préambule qui dit clairement que, lorsqu’il y a un déséquilibre, le juge devra aller dans le sens… a toute la latitude, si toutes les circonstances le dictent, il a toute cette marge de manoeuvre. Moi, je m’en tiendrais, par prudence, et surtout par respect, au langage, et langage qu’on utilise normalement dans le Code de procédure civile, de garder la conformité avec le langage qui parle généralement de «peut ordonner», ce serait conforme à ce qu’on voit généralement dans le Code de procédure civile.

Et le juge a vraiment tout ce qu’il lui faut pour évaluer le sérieux des circonstances. Je pense que toute la vision de ce projet de loi, tout ce qu’on a mis, tout le débat qu’on a actuellement, tout va dans le sens de donner beaucoup de latitude au juge devant les faits. Et, moi, je trouve que c’est… on a vraiment tout ce qu’il faut pour que le juge puisse aller dans le sens de déclarer et de dédommager… ou de s’assurer que le justiciable puisse poursuivre sa défense, avec une clause comme ça.

n(17 heures)n

Je pense que, de façon… la manière que c’est écrit, c’est cohérent avec le reste. Je ne vois pas le risque, je ne vois pas le risque ici. Parce que, même si on mettait «ordonne», l’effet pervers de ça, parce que le juge… Parce que c’est rare qu’on met une ordonnance, peut-être, comme on disait tantôt, bien, il ne trouvera pas que les circonstances le justifient ou qu’il y a un risque. Je ne vois pas vraiment la différence. J’aimerais mieux garder la cohérence du langage. C’est mon point de vue, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la députée.

Mme Hivon: …faire ressortir, c’est qu’avec le libellé actuel c’est certain que, non, on ne marque pas à quel point, je pense, notre intention ressort aujourd’hui que cette disposition-là soit vraiment utilisée abondamment quand on va être dans le cas d’apparence de poursuite abusive ou de poursuite-bâillon. Je pense que le point de Me Longtin, c’était de dire qu’il n’y a pas de «doit» dans le Code de procédure civile, ça, c’est parfait, j’en prends acte, mais elle nous a donné certains exemples où il y a l’utilisation de verbes au présent. Et, dans ce cas-ci, ce n’est pas au juge, au tribunal qu’on ordonne, c’est qu’on dit que le tribunal ordonne, donc le tribunal ordonne la provision pour frais dans la circonstance qui est prévue, et effectivement il y a encore matière à appréciation, puisque «les circonstances le justifient», et la question de «faire valoir son point de vue valablement», à cause de la «situation économique», demeure. Donc, il me semble qu’on enverrait simplement un signal plus fort, compte tenu que la question du fonds n’a pas été retenue.

Et en outre j’ajouterais que le «considérant» du préambule auquel la ministre fait référence, il ne va pas aussi loin que de dire qu’il faut rétablir les forces économiques. Il dit: «favoriser un meilleur équilibre dans les forces économiques», donc «Considérant l’importance de favoriser». Mais il n’envoie pas de signal clair sur la provision pour frais, techniquement parlant. C’est un signal parmi d’autres, mais je pense qu’à l’article 54.3 on pourrait envoyer un signal plus fort en ce qui concerne la provision pour frais par opposition à ce qu’on retrouve aux alinéas 1°, 2°, 3° et 4°.

Mme Weil: M. le Président, je n’ai pas beaucoup à rajouter, sauf qu’il y a tellement de cas, ce n’est pas juste les cas qu’on a en tête, les poursuites-bâillons, il y a tellement d’instances, je pense qu’il est plus prudent de laisser la discrétion au tribunal et tout en restant conforme au vocabulaire qui est utilisé, aux formes qui sont utilisées dans le code. Je sens beaucoup d’hésitation de la part des juristes. Évidemment, c’est des juristes de grande expertise, et on ne joue pas trop, trop souvent dans le Code de procédure civile ou le Code civil. Et je sens qu’on a ici vraiment une orientation… on donne au juge la latitude pour évaluer. Alors, je m’en tiens au langage qui est proposé.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la députée.

Mme Hivon: Oui. Bien, en fait, écoutez, moi, je voudrais juste dire que je m’en tiens aussi à mon point de vue, que je pense qu’on… Oui, on est dans le Code de procédure civile, mais qu’on est en droit nouveau, qu’on ose, qu’on fait preuve d’une certaine audace. La note en bas de page est une première pour ce qui est des considérants. Je pense qu’il y a certains éléments intéressants et je pense qu’on aurait pu aller plus loin, d’autant plus que la ministre n’a pas voulu aller jusqu’à mettre en place un fonds, et qu’il aurait été intéressant d’envoyer un signal clair que la provision pour frais est vraiment la mesure qui est mise de l’avant et qui doit être suivie dans beaucoup de cas de poursuites abusives pour rétablir l’équilibre des parties, et je pense qu’on aurait eu une belle occasion de le faire. Mais je ne parlerai pas là-dessus pendant trois heures, j’aurais aimé que la ministre acquiesce.

Mme Weil: M. le Président, mais c’est une première, hein, cet article est une première. Si on lit le tout, ça va très loin dans le sens que la députée dit. Donc, je pense que c’est un signal très clair d’un juge qui va intervenir, à qui on invite d’intervenir dans le cas de poursuites abusives.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Mme la députée de Rosemont, est-ce que vous…

Mme Weil: …l’article 54.3.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme la ministre. Le sens de votre intervention est à l’effet de…

Mme Weil: Donc, il s’agissait… On regardait l’article 54.3, vous vous rappelez?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): C’est ce qu’on fait, là, oui.

Mme Weil: Oui. «Dans un tel cas ? l’article… «Dans un tel cas ? la phrase ? ou lorsqu’il paraît y avoir un abus, le tribunal peut, s’il l’estime approprié…» Alors, la proposition pourrait être: «Outre les sanctions…»

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Est-ce que je dois comprendre, Mme la ministre, que vous aimeriez apporter un amendement à l’introduction?

Mme Weil: Est-ce qu’on pourrait le faire informellement dans un premier temps?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Non. Moi, là, ce que je dois vous signifier, c’est qu’il nous reste quelques minutes pour disposer de l’article 54.3. Moi, ce que j’en comprends, c’est que vous voulez déposer un amendement pour le paragraphe d’introduction. C’est bien ça?

Mme Weil: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez-y. Donc, je vais prendre… L’amendement que vous déposez, je dois l’avoir en main pour voir s’il est recevable. Une fois statué sur la recevabilité, on va le distribuer, et puis on en discutera et on en disposera éventuellement. Mme la député de Rosemont, est-ce que vous souhaitez l’avoir en main avant qu’on en discute ou…

Mme Hivon: Je suis la députée de Joliette.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Pardon?

Mme Hivon: Députée de Joliette.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Qu’ai-je dit?

Une voix: Rosemont.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Excusez-moi. Oui, Mme la députée, est-ce que vous souhaitez…

Mme Hivon: Nous, est-ce qu’on peut en avoir une copie?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Non, je comprends, mais est-ce que vous aimez mieux qu’on… On peut commencer la discussion sur l’article, permettre de le lire et commencer la discussion, ou vous souhaiteriez plutôt l’avoir en main avant même?

Mme Hivon: Ah! on peut commencer la discussion…

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, parfait.

Mme Hivon: …mais si je peux l’avoir rapidement.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): C’est la seule copie que vous avez, madame?

Une voix: …

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, je vais suspendre quelques instants, le temps d’avoir les copies.

(Suspension de la séance à 17 h 7)

(Reprise à 17 h 9)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre les travaux. L’amendement était recevable. Mme la ministre, si vous voulez…

Mme Weil: Le deuxième alinéa de l’article 54.3 est modifié par le remplacement des mots «Dans un tel cas» par les suivants: «Outre les sanctions imposées dans un tel cas».

Ou lorsqu’il paraît y avoir un abus, le tribunal peut, s’il l’estime approprié: 1°, 2°, 3°, 4°, 5°.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, à la discussion. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Ça se lirait donc: «Outre les sanctions imposées dans un tel cas ou lorsqu’il paraît y avoir un abus»?

Mme Weil: Oui.

Mme Hivon: On garderait le «ou lorsqu’il paraît y avoir un abus». C’est-à-dire on garderait le «ou». Ce ne serait pas «Outre les sanctions imposées dans un tel cas, lorsqu’il paraît y avoir abus, le tribunal peut».

n(17 h 10)n

Mme Longtin (Marie-José): Non, parce qu’il y a déjà un abus.

Mme Hivon: Parce que, moi, mon idée, c’était de faire une différence entre «abus» et «apparence d’abus». Mais là le deuxième alinéa, il nous garde dans la même réalité que le 1° à 5° peuvent s’appliquer, qu’on soit face à un abus ou une apparence d’abus. Est-ce que je lis correctement? On ne s’est pas compris, je pense. Moi, je n’ai rien contre l’amendement, mais, moi, ce que je recherchais, et je pensais qu’il y avait une ouverture à cet égard-là, c’était de clarifier les mesures, d’une part, du premier alinéa qui s’appliqueraient en cas d’abus, de véritable abus, alors que les mesures du deuxième, de la deuxième série, 1° à 5°, seraient lorsqu’il y a apparence d’abus. Parce que je disais qu’il ne peut pas y avoir comme un demi-abus. Donc, qu’on ait un abus ou une apparence d’abus, des mesures pour l’abus puis d’autres possibilités de mesures pour l’apparence d’abus.

Une voix: C’est le «ou».

Mme Hivon: Oui, moi, j’enlèverais le «ou».

Mme Weil:«Outre les sanctions imposées dans un tel cas, lorsqu’il paraît y avoir un abus»…

Mme Hivon: Me Longtin, oui.

Mme Longtin (Marie-José): Le premier alinéa vise clairement: il y a un abus. On constate que, bon, l’acte de procédure est abusif, ça fait cinq fois que vous faites tel type d’acte, et c’est clairement un abus. Vous refusez un interrogatoire parce que c’est clairement… la personne veut interroger à peu près toutes les personnes qui travaillent dans une entreprise pour faire une chose, donc la sanction est déjà… il y a déjà une sanction qui est imposée par le juge, de dire: Bon, je refuse tel interrogatoire, je refuse, j’exige que vous modifiiez telle chose, et ainsi de suite. Parce qu’il y a abus clairement.

Et là, sans avoir à se prononcer sur le fait que le reste de la procédure est abusif ou paraît abusif, il pourrait prendre certaines de ces mesures-là, toutes ou quelques-unes d’entre elles, parce que, ayant déjà constaté un abus dans cette instance-là et pour éviter qu’il s’en produise d’autres, il intervient. Alors que, «lorsqu’il paraît y avoir un abus», on a invoqué par une requête qu’il y avait quelque chose d’abusif, il considère que ce n’est pas manifeste au point qu’il doive immédiatement sanctionner tel ou tel geste, mais il prend le contrôle, au fond, de l’instance, enfin, de la gestion de l’instance par une ou plusieurs de ces mesures-là.

Mme Hivon: En fait, l’endroit où on diffère un peu d’opinion ou d’interprétation, c’est que, dans mon optique, il y a abus ou il y a apparence d’abus. Mais de ce que je comprends de votre intervention, c’est que vous dites… Mettons, dans l’alinéa 1, quand on n’est pas dans le contexte de la demande globale, mais qu’on parle d’un acte, d’un interrogatoire, tout ça, qui est déclaré abusif… Pour ce qui est du reste de l’instance, on pourrait vouloir venir prendre des mesures, même s’il n’y a pas abus ou apparence d’abus. Est-ce que c’est ça? Juste parce qu’il y a eu un élément parmi tant d’autres qui a été déclaré abusif, même si les autres ne sont pas vus comme abusifs ou la demande globale n’est pas vue comme abusive et qu’il n’y a pas vraiment d’apparence d’abus, on pourrait quand même, par prudence, venir déployer les mesures qui sont là.

Donc, on change un peu le sens, puisqu’on enlève «Dans un tel cas», donc ce serait: «Outre les sanctions imposées dans un tel cas», ce qui fait en sorte qu’on pourrait être même hors tout abus, mais venir imposer, venir donner cette latitude-là au juge, puisqu’il y a eu un tel abus de déjà constaté. Est-ce qu’on se suit?

Mme Longtin (Marie-José): Bien, c’est ou il y a abus ou il y a apparence d’abus. S’il y a abus, il y a déjà… il va nécessairement avoir agi…

Mme Hivon: Il y a les sanctions, c’est ça.

Mme Longtin (Marie-José): …parce que, pour lui, c’est clair. Mais il pourrait, pour la suite des choses, intervenir.

Mme Hivon: En fait, on s’entend. La seule chose, c’est que, moi, ce que j’aurais aimé, c’est que la deuxième série ne soit que lorsqu’on est en cas d’apparence d’abus, parce que j’estimais que c’était clair que, quand il y avait un abus, même s’il est partiel, sur juste une petite partie de la demande, les sanctions sont déjà prévues au premier alinéa, et donc le reste ne s’applique que lorsqu’il y a apparence d’abus, puisque les sanctions sont là pour lorsqu’il y a abus. Normalement, s’il y a abus, il devrait y avoir rejet ou il devrait y avoir ratification.

Mme Weil: Moi, si je comprends bien le commentaire, ce serait trop limité, et il faut cette panoplie d’autres mesures en plus.

Mme Hivon: Même lorsqu’il y a un abus clair.

Mme Weil: Ce serait trop restrictif.

Mme Hivon: Donc, il pourrait y avoir un abus clair, mais qu’on ne rejette pas, on décide juste de faire une gestion d’instance, par exemple, même s’il y a un abus.

(Consultation)

Mme Hivon: C’est juste que je trouve que ça donne une certaine impression qu’il peut y avoir du gris et blanc, à savoir… s’il y a un abus, puis je trouve qu’on a déjà la notion d’apparence d’abus qui, selon moi… on est dans le gris-blanc. On est dans les nuances de gris avec l’apparence d’abus, donc je trouvais que ça aurait été bien de séparer abus, premier alinéa, apparence d’abus, le reste des autres mesures, parce que je vois mal qu’est-ce qu’on ferait d’autre que ce qui est prévu dans le premier alinéa si on a vraiment un abus et non pas une simple apparence d’abus.

Mais, ceci étant dit, si les légistes du ministère estiment que c’est clair, je vais m’en remettre à eux, mais pour moi ça ne demeure pas optimal comme rédaction parce que je trouve qu’on est comme entre deux univers, là. S’il y a un abus, il y a les mesures du premier alinéa, puis en plus il y a toute une autre panoplie, mais je ne vois pas comment on ferait, par exemple, une gestion d’instance alors qu’il y a abus sur la demande. On dirait: On ne rejette pas la demande puis on va faire une gestion d’instance, par exemple, là. Ça fait que, comme je le disais tantôt, je sais que ça peut être sur une petite partie, ça peut être juste sur un acte, auquel cas l’acte va être déclaré abusif, puis on va poursuivre sur le reste. Puis, sur le reste, s’il y a apparence d’abus sur le reste, toutes les autres mesures vont pouvoir se déployer, mais on ne sera pas dans un cas d’abus, on va être dans un cas d’apparence d’abus. Mais, si vous estimez que c’est clair…

Mme Weil: Peut-être que l’autre formulation est meilleure dans un tel cas. Ça laisse ouvert…

Mme Hivon: Bien, en fait, c’est ça, c’est que l’amendement, moi, ne répond pas à ma préoccupation. Donc, entre les deux, ça ne me dérange pas qu’on reste à la formule originale parce que ce n’était pas du tout le sens de…

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, je comprends que vous êtes prêts à disposer de l’amendement. Donc, l’amendement est-il adopté?

Des voix: …

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Pardon? L’amendement est-il adopté?

Mme Weil: Non. L’amendement, non.

Une voix: Il est retiré.

Mme Weil: Retiré.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): On va retirer l’amendement?

Mme Weil: Oui.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): O.K. Donc, l’amendement est retiré. Est-ce que l’article 54.3 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui, oui, il est adopté. Je trouve qu’il n’est pas optimal, mais il est adopté.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Article 54.4. Mme la ministre.

Mme Weil:«Le tribunal peut, en se prononçant sur le caractère abusif d’une demande en justice ou d’un acte de procédure, ordonner, le cas échéant, le remboursement de la provision versée pour les frais de l’instance, condamner une partie à payer, outre les dépens, des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par une autre partie, notamment pour compenser les honoraires et débours extrajudiciaires que celle-ci a engagés ou, si les circonstances le justifient, attribuer des dommages-intérêts punitifs.

«Si le montant des dommages-intérêts n’est pas admis ou ne peut être établi aisément au moment de la déclaration d’abus, il peut en décider sommairement dans le délai et sous les conditions qu’il détermine.»

Cet article prévoit que le tribunal, lorsqu’il se prononce sur le caractère abusif d’une demande ou d’un acte de procédure, pourra condamner la partie qui abuse à payer non seulement des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, mais également des dommages-intérêts punitifs, lesquels s’apprécieront en fonction de l’article 1621 du Code civil. Le tribunal pourra également ordonner le remboursement de la provision pour les frais de l’instance versée à une autre partie. Cet article vise principalement à permettre la réparation du préjudice subi par la partie victime d’une procédure abusive, mais il est également une mesure de dissuasion importante, puisqu’une partie sera plus hésitante à intenter une procédure qu’elle sait abusive si elle peut être tenue de dédommager la victime.

n(17 h 20)n

Le deuxième alinéa prévoit la procédure à suivre lorsque le tribunal condamne une partie à payer des dommages-intérêts et que le montant de ceux-ci ne peut être établi aisément au moment de la déclaration d’abus. Il simplifie la règle actuelle et permet d’accélérer le traitement de la demande de réparation.

Aujourd’hui, le deuxième alinéa de l’article 75.2 du Code de procédure civile permet au tribunal, si le montant des dommages-intérêts n’est pas établi au moment du jugement, de réserver le droit à la partie qui a eu gain de cause de présenter une requête devant le tribunal compétent pour les réclamer. Cette procédure relativement lourde ajoutait des délais et des frais supplémentaires pour la victime d’une procédure abusive.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci.

Mme Weil: C’est tout, ça complète.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Quand, de manière générale… en fait, ça n’arrive pas excessivement souvent, mais, quand une partie se voit condamnée, à la fin d’une instance, à payer les honoraires extrajudiciaires, est-ce que ça porte uniquement sur les honoraires extrajudiciaires ou c’est fait via l’octroi de dommages-intérêts, dans l’état actuel des choses? Parce qu’en fait, de la manière que l’article est libellé, on dit: «outre les dépens, des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par une autre partie, notamment pour compenser les honoraires et débours extrajudiciaires», donc on comprend les frais d’avocats, mais qui seraient octroyés sous forme de dommages-intérêts, de ce que je comprends, ce serait sous le chapitre des dommages-intérêts.

Ce que je veux savoir, c’est: Est-ce que c’est la manière usuelle de procéder quand un tribunal ordonne le paiement ou le remboursement à une partie des honoraires extrajudiciaires? Est-ce que c’est en octroyant des dommages-intérêts à la hauteur des frais d’avocats qui ont été encourus ou c’est simplement qu’il ordonne le paiement des frais d’avocats encourus?

Mme Longtin (Marie-José): Ça n’entre pas dans la notion de dépens, donc ça entre nécessairement dans la catégorie dommages-intérêts.

Mme Hivon: Dès qu’on n’est pas dans le dépens, on est dans les dommages-intérêts, mais il y a juste… De la manière que c’est généralement formulé, il me semble que des fois c’est spécifiquement dit de rembourser ou de défrayer les frais d’honoraires de la partie.

Mme Weil: Dans le jugement, souvent.

Mme Hivon: Enfin, vous comprenez ce que je veux dire. C’est parce qu’en fait j’étais surprise, je pensais qu’on l’aurait énuméré comme tel et non pas comme un élément des dommages-intérêts. Donc, c’était juste pour une fin de clarification, là.

Mais vous me dites que c’est toujours considéré… on octroie des dommages-intérêts de tel montant, qui représente en fait le montant des honoraires extrajudiciaires.

Mme Weil: Et d’autres choses aussi, hein?

Mme Hivon: Et ça peut être d’autres choses, oui, oui.

Mme Weil: Oui.

Mme Hivon: O.K. Parfait.

Mme Weil: D’ailleurs, je ne sais pas si vous voulez qu’on parle un peu des genres de dommages que ça pourrait représenter?

Mme Hivon: Oui. Bien, peut-être pour les fins…

Mme Weil: Des fins de…

Mme Hivon: …de compréhension, oui.

Mme Weil: Donc, par exemple, dédommagement pour les journées de travail manquées en raison des procédures, par exemple interrogatoire après défense, instruction au temps de préparation du dossier pour répondre aux demandes de l’autre partie; frais de transport pour se rendre aux interrogatoires; dommages moraux, notamment reliés au stress que la personne subit suite à cette procédure abusive. C’est des exemples, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la députée.

Mme Hivon: Et, dans tous les cas où des dommages-intérêts punitifs sont octroyés, il revient au tribunal d’indiquer à quelles fins les dommages punitifs vont être… ou à quel organisme, dans quel but les dommages-intérêts punitifs vont être utilisés? Est-ce que le tribunal le spécifie d’emblée?

Mme Weil: On est guidés par l’article 1621 du Code civil dans un cas comme ça, donc qui indique que les dommages punitifs ne doivent pas excéder, en valeur, ce qui est nécessaire pour assurer leur fonction dissuasive. Il est prévu que leur appréciation doit tenir compte des circonstances appropriées, telles la gravité de la faute du débiteur, la situation patrimoniale ou l’étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu, ainsi que la prise en charge ou non par un tiers du paiement des dommages-intérêts découlant du fait générateur, exemple la prise en charge par un assureur, par une entreprise ou un employeur. Est-ce que ça complète un peu la réponse?

Mme Longtin (Marie-José): Oui, mais, en fait, par rapport au point soulevé, le dommage-intérêt punitif n’est pas nécessairement attribué à un tiers, il peut l’être à la personne…

Mme Hivon: À la partie.

Mme Longtin (Marie-José): …qui a subi le dommage.

Mme Hivon: En fait, les deux possibilités existent.

Mme Longtin (Marie-José): Les possibilités existent, mais en fait c’est généralement plus dans les choses publiques ou qui mettent en cause des questions d’intérêt public qui… c’est plus dans ce cadre-là qu’on va attribuer les choses à un tiers.

Mme Hivon: Parce que, dans ce cas-ci, en général, on pourrait s’attendre à ce que le tribunal octroie les dommages punitifs également à la partie qui devait se défendre et non pas à un organisme qui vient en défense à des droits. C’est le sens de ce que vous dites?

Mme Longtin (Marie-José): …

Mme Hivon: Oui, ça va. En fait, c’est ça, je pense qu’en matière de dommages-intérêts punitifs, comme je le soulignais précédemment, il y a quand même matière à innovation et, si, éventuellement, dans une prochaine évaluation des effets concrets que ce projet de loi là pourrait avoir eus après un certain temps d’utilisation, on pourrait voir que la provision pour frais, par exemple, n’est pas utilisée comme on souhaitait qu’elle le soit et qu’un fonds pourrait être une mesure à mettre en place, je pense qu’il y a différents mécanismes qui pourraient être étudiés pour contribuer, pour venir fournir le fonds, puis je pense que la question des dommages-intérêts punitifs dans un cas comme celui-ci pourrait être évaluée, comme je le disais précédemment. Moi, ça va pour l’article 54.4.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Donc, l’article 54.4 est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Adopté. Article 54.5. Mme la ministre.

Mme Weil:«Lorsque l’abus résulte de la quérulence d’une partie, le tribunal peut, en outre, interdire à cette partie d’introduire une demande en justice à moins d’obtenir l’autorisation du juge en chef et de respecter les conditions que celui-ci détermine.»

Cet article permet au tribunal de limiter la capacité d’une personne quérulente de présenter une demande en justice. La quérulence n’est présentement encadrée que par les articles 84 et suivants du Règlement de procédure civile de la Cour supérieure et par l’article 95 des Règles de la Cour d’appel en matière civile. L’importance de l’interdiction justifie que la règle soit exprimée législativement, mais seule une règle générale est introduite au Code de procédure civile, les mesures de nature administrative étant plus appropriées dans les règlements sur la procédure.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Dans l’état actuel des choses, est-ce qu’il y a un registre… J’ai déjà entendu qu’il y avait un registre des plaideurs quérulents. Est-ce que ça existe comme une liste…

Une voix: …quérulents ou vexatoires?

Mme Hivon: Bien, quérulents ou vexatoires, je ne sais pas quel est le…

M. Marsan: S’il n’y en a pas, on va en faire une.

Mme Hivon: Oui, bien, en fait, j’imagine, parce qu’en vertu du règlement, que je dois avoir ici, là, je me demandais si…

Mme Weil: …dans le sens de particulier ou de…

Mme Hivon: De particulier, oui, c’est ceux qui sont… Parce qu’ici on vient dire que, «lorsque l’abus résulte de la quérulence d’une partie, le tribunal» va pouvoir prendre des mesures, là, et je pensais que, probablement en vertu du règlement, il existait déjà quelque chose pour les plaideurs quérulents qui sont déclarés. Parce qu’on peut déjà le faire, là, mais ce n’est pas au code, c’est dans le règlement, de ce que je comprends. Je voulais juste savoir comment on peut savoir que quelqu’un est déclaré quérulent ou… Je pensais que c’était le terme qui était utilisé, là, mais c’est peut-être «vexatoire».

Une voix: C’est quérulent.

Mme Hivon: C’est quérulent.

Mme Weil: Je pense que la réponse est à l’article 90. Ça, c’est la Cour supérieure en matière civile, l’article 90: Registre public. «Le greffier transmet copie de l’ordonnance d’assujettissement déposée à son greffe aux greffiers de tous les districts judiciaires et au juge en chef à Montréal pour inscription au registre public des cas de quérulence.» C’est à ça que vous faites référence?

Mme Hivon: Oui, c’est ça. Donc ça, c’est un registre de la Cour supérieure. C’est la seule instance qui tient un tel… Il n’y a pas l’équivalent à la Cour du Québec, par exemple?

Mme Weil: Non.

Mme Hivon: O.K. Et ce n’est pas quelque chose qui est de notoriété publique ou que les gens peuvent aller consulter.

Mme Weil: Je croirais que non.

n(17 h 30)n

Mme Hivon: De ce que je comprends, c’est pour la bonne gouverne judiciaire, donc ce sont les instances judiciaires qui ont accès à ça.

Mme Weil: D’après le libellé, oui, de l’article.

Mme Hivon: O.K. Parfait.

Mme Longtin (Marie-José): …public quand même. On le qualifie de public dans…

Mme Hivon: Donc, il faut qu’il soit disponible quelque part.

Mme Longtin (Marie-José): Il faut qu’il puisse être disponible ou connu des tiers.

Mme Hivon: Comme au palais de justice.

Mme Vallée: Comme les babillards.

Mme Hivon: Les babillards.

Mme Vallée: C’était comme ça. Maintenant, avec l’ère de l’électronique, je ne sais pas, là, mais…

Mme Hivon: O.K. En fait, c’est ça, j’avais une question à savoir si le citoyen peut avoir accès à savoir qui a été déclaré quérulent.

Par ailleurs, en introduisant le texte de 54.5, est-ce qu’il y a vraiment un changement par rapport à ce qui est prévu actuellement via voie réglementaire? Ou, en fait, est-ce que déjà c’était possible mais que ce n’était pas dans le Code de procédure, donc on le rend plus formel, mais c’était déjà possible d’en venir au même résultat?

Mme Weil: Mais, ma réponse à ça, c’est que la Cour d’appel et la Cour supérieure peuvent déjà établir des règles sur la quérulence en vertu de leurs pouvoirs inhérents. Cette disposition permettra… cette nouvelle disposition permettra d’habiliter législativement la Cour du Québec, le Tribunal des droits de la personne et le Tribunal des professions à prévoir des règles à ce sujet dans leurs règlements de procédure. Si ça répond à votre question.

Mme Hivon: En fait, ça vient comme poser l’assise vraiment législative à l’habilitation réglementaire, mais il y avait déjà des règlements qui avaient été pris par certaines instances, j’imagine, en vertu des pouvoirs généraux des tribunaux.

Mme Weil: Cour d’appel, Cour supérieure, oui. Des pouvoirs inhérents.

Mme Hivon: Des pouvoirs inhérents, oui. O.K., parfait. Ça me va.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? L’article 54.5 est-il adopté?

Mme Hivon: Oui, adopté.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Adopté. 54.6. Mme la ministre.

Mme Weil:«54.6. Lorsque l’abus est le fait d’une personne morale ou d’une personne qui agit en qualité d’administrateur du bien d’autrui, les administrateurs et les dirigeants de la personne morale qui ont participé à la décision ou l’administrateur du bien d’autrui peuvent être condamnés personnellement au paiement des dommages-intérêts.»

Cet article s’inscrit dans l’esprit des modifications aux règles de procédure civile visant la répression des poursuites abusives en employant des mécanismes réparateurs et dissuasifs. Il prévoit que l’administrateur ou le dirigeant d’une personne morale qui participe à la décision qui a mené à l’abus peut être tenu personnellement responsable du paiement des dommages-intérêts. Cet article ne s’applique que lorsque le tribunal déclare qu’une partie agit de manière abusive et que si l’administrateur ou le dirigeant d’une personne morale a participé à la décision d’entreprendre la demande en justice ou l’acte de procédure déclaré abusif. Avant de condamner l’administrateur ou le dirigeant, le tribunal devra, comme c’est la règle à l’article 5 du Code de procédure civile, les entendre.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Mais, en fait, je pense que c’est une très bonne disposition pour son effet potentiellement dissuasif ou responsabilisant pour ce qui est des administrateurs qui ne pourront pas ne s’en remettre qu’à leur contentieux dans ce type de procédure là. Donc, ça devrait normalement responsabiliser les dirigeants.

J’avais toutefois une question. Certains allèguent qu’on est plus en droit de fond qu’en véritable procédure avec cette disposition-là. Je comprends que la possibilité de lever le voile pour aller poursuivre directement les dirigeants de compagnie, d’entreprise est déjà prévue au Code civil. Donc quel est le but recherché en venant inscrire l’article ici?

Mme Weil: On a eu beaucoup de discussions là-dessus. Essentiellement ? et on a eu des… moi, j’ai eu personnellement des discussions avec des avocats qui pratiquent en droit corporatif ? ça ne vient pas changer la loi, mais ça va nécessiter… comme vous l’avez dit tantôt, c’est que, si… qu’il y aura des comités, par exemple des comités juridiques, qui devront maintenant… avant qu’une procédure soit entreprise, qu’il y a évaluation qui serait faite par, par exemple, je donne un exemple, ce comité qui serait un comité sous l’autorité du conseil d’administration, qui devra faire une recommandation. Donc, ça va permettre… Et ce sera l’administrateur ou le dirigeant qui serait tenu responsable, ce serait l’administrateur ou le dirigeant qui aurait vraiment participé à la décision. Donc, c’est vraiment un élément de dissuasion, et de faire en sorte qu’avant que des parties entreprennent ces genres de procédures on y réfléchit beaucoup et souvent, puis qu’on comprenne bien la nature, la nature de la procédure. Donc, on pense que ça vient… c’est une disposition qu’on ne retrouve pas ailleurs dans d’autres projets de loi, mais ça vient, quant à nous… quant à moi, ça rajoute un élément d’éducation, sensibilisation, dissuasion.

Mme Hivon: Parfait. C’est de la même manière que je le lisais, puis, dans ce sens-là, pour l’effet dissuasif, je pense que, ne serait-ce que pour l’effet dissuasif, ça envoie un message fort. Donc, je pense que c’est une disposition qui est bien intéressante et innovatrice. Mais je voulais entendre… Parce qu’on est comme à mi-chemin entre la procédure et un peu plus le droit substantif, donc j’estime qu’elle a sa place dans un code de procédure civile, mais j’étais curieuse d’entendre la position de la ministre. Donc, moi, ça me va.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? L’article 54.6 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Adopté. Article 3. Mme la ministre.

Mme Weil: 3. Le chapitre III.1 du titre III du livre I de ce code, comprenant les articles 75.1 et 75.2, est abrogé.

Alors, cet article est de concordance avec l’introduction, à l’article 2, du projet du chapitre intitulé Du pouvoir de sanctionner les abus de procédure. Les nouvelles dispositions intègrent, en les adaptant, celles du droit actuel et rendent donc inutile le maintien des articles 75.1 et 75.2 du Code de procédure civile.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, Mme la ministre, dois-je comprendre, après l’adoption des articles introductifs 54.1, 2, 3, 4, 5, 6, que l’article 2 est aussi adopté? Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Là, on serait dans le 2 et non dans le 3.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Eh oui! Eh oui! Une petite entorse à la procédure. Donc, l’article 2, qui introduisait les articles 54.1 à 54.6, est-il adopté?

Mme Hivon: Le 1 est suspendu, hein, le 1 qui… O.K., c’est beau.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. O.K., donc je reviens, là, c’est qu’on avait déjà commencé l’article 3, mais je dois quand même adopter… vous faire en fait… vous proposer d’adopter l’article 2, qui a introduit le 54.1 à 54.6.

Mme Hivon: C’est beau. Je pense qu’il n’y a plus rien en suspens avec l’article 2. Ça va, on peut adopter.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Donc, l’article 2 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Adopté. Donc, allez-y, Mme la ministre, désolé. Article 3.

Mme Weil: On revient à l’article 3?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Absolument, oui.

Règles applicables à toutes
les demandes en justice

Des actions et des procédures
manifestement mal fondées ou frivoles

Mme Weil: Donc: 3. Le chapitre III.1 du titre III du livre I de ce code, comprenant les articles 75.1 et 75.2, est abrogé.

Cet article est de concordance avec l’introduction, à l’article 2, du projet du chapitre intitulé Du pouvoir de sanctionner les abus de procédure. Les nouvelles dispositions intègrent, en les adaptant, celles du droit actuel et rendent donc inutile le maintien des articles 75.1 et 75.2 du Code de procédure civile.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Alors, on vient effectivement tout couvrir, il n’y a plus aucune raison d’être à ces articles-là du fait du droit nouveau qu’on est en train d’adopter. O.K., moi, ça me va.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. L’article 3 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

De la gestion de l’instance

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Adopté. Article 4. Mme la ministre.

Mme Weil: 4. L’article 151.11 de ce code est modifié par l’ajout, dans la première phrase, après les mots «en raison de sa nature», des mots «, de son caractère».

Alors, cet article est de concordance avec le paragraphe 4° de l’article 54.3, introduit au Code de procédure civile par l’article 2 du projet de loi, qui permet au tribunal de recommander au juge en chef d’ordonner une gestion particulière de l’instance dans les cas où la demande ou l’acte présente un caractère abusif. Il s’agit là d’un élément distinct de la nature et de la complexité d’une demande.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme la députée.

Mme Hivon: Oui, c’est ça, en fait, de ce que je comprends, c’est que ce n’est pas une nature d’être abusif, c’est un caractère, c’est ça.

Mme Weil: Donc, nature, comme par exemple nature d’une procédure, une action en justice ou une requête, tandis que le caractère abusif…

Mme Hivon: Ça me va.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. L’article 4 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Exécution des jugements

De l’exécution forcée des jugements

Dispositions préliminaires

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Article 4. Article 5. J’ai cru comprendre, Mme la ministre, que vous aviez un amendement à proposer.

n(17 h 40)n

Mme Weil: Oui. Donc: 5. L’article 547 de ce code est modifié par le remplacement du paragraphe j…

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre, je vais vous demander…

Mme Weil: L’amendement d’abord?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): On va disposer de l’amendement. Donc, je vais…

Mme Weil: Ah! vous l’avez. O.K. Vous ne l’avez pas?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Si vous voulez déposer l’amendement, oui. Il a été distribué. Parfait. Donc, je vais vous laisser lire l’article.

Mme Weil: Bon. L’article 547 de ce code est modifié par le remplacement du paragraphe j du premier alinéa par le suivant:

«j) de jugements rendus en matière d’abus de procédure.»

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, maintenant, l’amendement à cet article.

Mme Weil: Cet article est de concordance avec l’introduction, à l’article 2, du projet du chapitre intitulé Du pouvoir de sanctionner les abus de procédure et l’abrogation, à l’article 3 du projet, de l’article 75.2 du Code de procédure civile. Il prévoit l’exécution provisoire des jugements rendus en matière d’abus de procédure. Cet article n’était pas inclus au projet de loi n° 99.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Et donc, si je comprends bien, vous venez de lire l’article.

Mme Weil: Oui.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): O.K. Maintenant, l’amendement.

Mme Weil: O.K. Excusez-moi, je vous ai lu l’amendement, parce que l’article, c’était… j, c’était «les jugements rendus».

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allons-y, disposons de l’amendement.

Mme Weil: Vous avez compris l’amendement, hein?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va.

Mme Weil: Donc, l’amendement, c’est «de jugements rendus en matière d’abus de procédure».

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Pas de problème. Mme la députée, est-ce qu’il y a des interrogations sur l’amendement?

Mme Hivon: Sur l’amendement, ça me va.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Donc, l’amendement est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Adopté. L’article 5, est-ce qu’il y a…

Mme Hivon: Oui, l’article 5, c’est ça, je voudrais bien comprendre, c’est un article qui n’était pas présent dans le projet de loi n° 99. Est-ce que c’était un oubli, ou on est encore en train de… c’est en lien avec l’appel puis l’exécution provisoire, ou deux choses complètement distinctes, et là on a voulu marquer le pas? Donc, j’aimerais juste qu’on explique vraiment pourquoi ce n’était pas dans l’ancienne mouture.

Mme Weil: C’était une omission. Et pourquoi cette omission…

Mme Hivon: Parce qu’en fait on se rend compte que, dans le projet de loi n° 99, il n’y avait pas… Peut-être qu’il n’y a pas de lien, là, mais, moi, il m’apparaît y avoir peut-être un lien. Il n’y avait rien sur l’appel. Puis l’exécution, la notion d’exécution provisoire était aussi omise. Puis là on ramène les deux. C’étaient simplement des oublis?

Mme Weil: Une omission, oui. Cette modification-là, c’était vraiment une omission, un oubli.

Mme Hivon: Donc, il va y avoir exécution provisoire, nonobstant appel, pour toute décision… Puis, en fait, sur l’incident, ça ne s’applique même pas parce qu’il ne peut pas y avoir appel, puisqu’on est en interlocutoire. Donc, en fait, c’est juste dans le cas où il y aurait une déclaration… un rejet d’action parce qu’on est face à quelque chose que le tribunal aurait qualifié de demande abusive. Il y a appel, mais il y a exécution, dans l’intervalle, du jugement.

Mme Weil: C’est bien ça.

Mme Hivon: Mais, en fait, l’exécution veut dire qu’il n’y a plus rien qui se passe dans l’instance.

Mme Weil: …des dommages aussi.

Mme Hivon: …des dommages. O.K.

Mme Weil: Aussi, oui.

Mme Hivon: Ça m’amène à une autre question de comparaison avec le projet de loi n° 99. Le projet de loi n° 99, à l’article 4, amenait une modification qui, je pense, avait trait à l’irrecevabilité partielle, hein? «Le défendeur peut opposer également l’irrecevabilité de la totalité ou d’une partie de la demande et conclure à son rejet, total ou partiel…» Je voulais savoir pourquoi on avait enlevé ça, si c’est parce qu’on estimait que ça faisait double emploi avec ce qui était prévu à 54.3 ou s’il y a une autre raison. Parce que c’est quelque chose qu’on ne retrouve plus. Et je pense que le Jeune Barreau avait dit, dans son mémoire ou quand il était venu, qu’il estimait que c’était une mesure intéressante de pouvoir déclarer l’irrecevabilité partielle.

Mme Weil: Je vais demander à Mme Longtin de répondre.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Mme Longtin.

Mme Longtin (Marie-José): Oui. De fait, le Jeune Barreau de Montréal avait suggéré, c’est lui qui avait suggéré d’introduire cette mesure-là. Par ailleurs, ça soulevait beaucoup d’inquiétude chez d’autres intervenants en raison de la possibilité, bon, de… qu’ils avaient vécu… parce que, sous l’ancien code, il y avait une inscription partielle en droit qui, semble-t-il, avait causé beaucoup de difficultés, et finalement, compte tenu que c’est une mesure qui aurait pu ou qui pourrait être d’un ordre plus général, le point qui s’est soulevé, c’est que, s’il y avait lieu d’en arriver à une modification de cet article-là, il vaudrait sans doute mieux le faire dans un autre forum que sur l’abus de procédure.

Mme Hivon: O.K. Donc, dans une éventuelle réforme du code dans son ensemble.

Mme Weil: Possiblement.

Mme Hivon: Puis est-ce qu’il n’y aurait pas eu lieu de le prévoir, de prévoir cette possibilité-là à même… là, je réfléchis, là, mais à même l’article 54.3 de venir prévoir cette possibilité-là d’irrecevabilité d’une partie de la demande comme mesure de gestion que le tribunal aurait à sa disposition dans les cas spécifiques d’abus. Donc, on n’aurait pas été dans l’article général, 165, mais on aurait été dans un article plus spécifique, ce qui nous aurait permis d’introduire la mesure dès maintenant, sans attendre une réforme globale éventuelle.

Mme Longtin (Marie-José): Éventuellement… Enfin, dans une… Il y a toujours la possibilité de supprimer une conclusion. Donc, dans ce cadre-là, si, je ne sais pas, moi, on demande telle ou telle… En conclusion de la demande, il y en a trois, là, si on avait une irrecevabilité partielle, on pourrait demander de ne pas… de faire tomber finalement telle ou telle conclusion, mais on devrait pouvoir arriver à un résultat similaire avec cette disposition-là sans entrer dans le cadre général.

Mme Hivon: O.K. C’était ça, ma question première, c’est: sans entrer dans la notion d’irrecevabilité formellement, on estime qu’on a les moyens à notre disposition… que les tribunaux auront les moyens avec 54.3 de venir faire essentiellement ce que cet article-là visait à offrir comme possibilité.

Mme Longtin (Marie-José): Il me semble que oui, en partie tout au moins.

Mme Hivon: O.K. Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Alors, l’article 5, tel qu’amendé, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Prise d’effet

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Adopté. Article 6. Mme la ministre.

Mme Weil: 6. Le caractère abusif des demandes en justice et des actes de procédure introduits avant l’entrée en vigueur de la présente loi est décidé suivant les règles nouvelles. Cependant, le deuxième alinéa de l’article 54.2 et l’article 54.6 du Code de procédure civile, édictés par l’article 2 de la présente loi, ne s’appliquent qu’aux demandes introduites ou aux actes faits après le ? il y aura ici la date qui suit de 30 jours celle de l’entrée en vigueur de la présente loi.

En commentaire. Cet article prévoit l’application immédiate de la plupart des règles prévues aux articles 54.1 à 54.6 du Code de procédure civile introduits par l’article 2 du projet de loi. Les dispositions concernant le moyen procédural pour demander le rejet d’une demande en justice, moyen préliminaire, deuxième alinéa de l’article 54.2, et la responsabilité des administrateurs et des dirigeants, 54.6, n’auront cependant effet que sur les demandes en justice et les actes de procédure faits après le 30e jour de l’entrée en vigueur du projet de loi. Ce délai permettra aux membres du Barreau et aux personnes morales de s’ajuster aux nouvelles règles.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la députée de Joliette, sur l’article 6.

Mme Hivon: En fait, j’aimerais simplement que la ministre m’explique, pour une instance qui est en cours… parce que, ça, je pense que c’est un changement important et salué de tous, que le nouveau projet de loi, par opposition au projet de loi n° 9, vienne prévoir qu’il puisse y avoir une application aux causes pendantes. Puisqu’on ne sera plus dans le moyen préliminaire, comment concrètement ça va fonctionner? On va présenter une requête en cours d’instance?

Mme Weil: On va présenter une requête en cours d’instance, c’est exactement ça. Donc, le défendeur qui ferait une demande de déclarer les procédures abusives sur l’instance en cours, en cours d’instance.

Mme Hivon: Ou un acte.

Mme Weil: Ou un acte, ou un acte de procédure.

Mme Hivon: Donc, via requête, il va venir…

Mme Weil: Via requête.

Mme Hivon: …déposer tout simplement… O.K. Parfait.

n(17 h 50)n

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): L’article 6 est-il adopté?

Une voix: …

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Article 7. Mme la ministre.

Mme Weil: 7. La présente loi entre en vigueur… Évidemment, c’est l’article qui prévoit que la loi entrera en vigueur dès sa sanction.

Mme Hivon: J’aurais une proposition d’amendement avant l’article 7. On y a fait référence tout à l’heure. En fait, la logique, c’est qu’on est vraiment en droit nouveau, et on sait qu’il arrive, à l’occasion, qu’on vienne prévoir un mécanisme de révision formel d’une loi, et je pense que, dans ce cas-ci, ça pourrait être intéressant de venir ajouter une obligation de se pencher, que la ministre demande un rapport qu’elle déposerait, pour vraiment se pencher, après trois ans, ou, bon, une période donnée, sur l’application de cette nouvelle loi. Parce que je pense qu’il y a beaucoup d’éléments de la loi qu’on espère répondre aux objectifs qu’on se vise aujourd’hui, mais on n’est pas absolument certains de comment ça va être appliqué, on a beaucoup d’espoirs et tout ça, la provision pour frais en est un, je pense que le 30 jours en est un autre, le type de mesures pour ce qui est des dommages qui vont être octroyés.

Donc, je peux peut-être le déposer. C’est tout simple, c’est un type, je pense, de mesures que l’on retrouve parfois… qu’on a retrouvées, je pense, lors de la réforme du Code de procédure civile, qui, je pense, pourraient être utiles pour s’assurer qu’il va y avoir une évaluation de faite, de l’actuel projet de loi.

(Consultation)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, je comprends que l’article, là, qui a été déposé est recevable. C’est 6.1. Il y a une correction, il y a une petite coquille, là, simplement…

(Consultation)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Est-ce que tout le monde a en main cet amendement-là, 6.1? Mme la ministre… Vous avez présenté, Mme la députée. Est-ce que vous avez des commentaires?

Mme Weil: Je suis en train de réfléchir. On me dit que trois ans, c’est un minimum pour ce genre de… Il doit y avoir une appréciation et assez de jurisprudence ou de… Mais ça va. Donc, est-ce que vous voulez que je le lise ou est-ce que c’est la députée qui le lit?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez-y, Mme la députée de Joliette, c’est vous qui le présentez.

Mme Hivon: Alors, l’amendement se lirait comme suit: Le projet de loi Loi modifiant le Code de procédure civile pour prévenir l’utilisation abusive des tribunaux et favoriser le respect de la liberté d’expression et la participation des citoyens aux débats publics est modifié par l’insertion, après l’article 6, de l’article suivant:

6.1. Le ministre doit, au plus tard le 1er octobre 2012, présenter au gouvernement un rapport sur la mise en oeuvre de la présente loi, notamment en ce qui a trait à l’utilisation par les tribunaux des mesures prévues aux articles 54.3 et 54.4, afin d’évaluer si les objectifs poursuivis par la loi ont été atteints.

Ce rapport est déposé à l’Assemblée nationale dans les 30 jours suivants ou, si elle ne siège pas, dans les 30 jours de la reprise de ses travaux. La commission compétente de l’Assemblée nationale examine ce rapport.

Mme Weil: Je vais juste consulter les juristes pour être sûre que le libellé, ça…

Mme Hivon: Oui. Moi, je ne suis pas légiste, alors il peut y avoir évidemment des bonifications, mais c’était l’idée que je voulais traduire.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): …suspendre quelques instants, le temps de statuer.

(Suspension de la séance à 17 h 54)

(Reprise à 17 h 57)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Nous allons donc reprendre nos travaux. Nous en étions à quelle intervention? Donc, Mme la députée, oui. Oui, Mme la ministre, vous aviez une intervention?

Mme Hivon: Je l’avais expliqué avant de le déposer, l’idée étant de s’assurer qu’il va y avoir une évaluation diligente qui va être faite, et publique, et que l’Assemblée nationale va en être saisie, pour voir si tous les espoirs et les objectifs qu’on se fixe aujourd’hui vont être remplis par l’exercice… par l’utilisation de ces nouvelles mesures là. Donc, c’est le sens de l’amendement.

Mme Weil: Donc, est-ce qu’il faut relire l’amendement? On a amené une correction.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, pour que ce soit bien clair, là, pour les galées. Allez-y, Mme la députée de Joliette.

Rapport sur la mise en oeuvre de la loi

Mme Weil: 6.1. Le ministre doit, au plus tard le 1er octobre 2012, présenter au gouvernement un rapport sur la mise en oeuvre de la présente loi, notamment en ce qui a trait à l’utilisation par les tribunaux des mesures prévues aux articles 54.3 et 54.4 du Code de procédure civile.

Ce rapport est déposé à l’Assemblée nationale dans les 30 jours suivants ou, si elle ne siège pas, dans les 30 jours de la reprise de ses travaux. La commission compétente de l’Assemblée nationale examine ce rapport.

Une voix: …

Mme Weil: …de la Justice. Dans l’article 7, il faut rajouter «le ministre de la Justice doit».

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Juste un… Là, c’est qu’on est à l’amendement qui introduit l’article 6.1, hein? C’est ça, là, on est toujours là.

Mme Weil: Oui.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): O.K.

Mme Hivon: On vient d’amener un autre changement à l’amendement.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, c’est ça. Bien, écoutez, là, si vous voulez en faire un sous-amendement, on peut toujours, mais ce que j’en comprends, c’est que…

Mme Weil: Le ministre de la Justice.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): C’est ça. C’est un ajout, «ministre de la Justice». Donc, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Alors…

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Comment vous sentez-vous avec cet amendement?

Mme Hivon: La nouvelle formulation me convient.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Donc, l’amendement qui introduit l’article 6.1 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Adopté. Article 7.

Entrée en vigueur

Mme Weil: L’article 7, on ne l’avait pas… Ah oui! parce qu’avant d’adopter l’article 7 on est revenus en arrière.

Donc: 7. La présente loi entre en vigueur le ? et il y aura la date de la sanction de la présente loi.

Alors, cet article prévoit que la loi entrera en vigueur dès sa sanction.

Mme Hivon: Je voudrais savoir de la ministre…

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Si vous me permettez… Excusez-moi, Mme la députée, je ne voulais pas vous… mais, compte tenu de l’heure, je vais vous demander s’il y a consentement pour qu’on poursuive les travaux, là, jusqu’à un certain moment. On peut se donner jusqu’à 8 heures, là, ou jusqu’à épuisement des articles à étudier. Il y a consentement? Consentement, Mme la députée Joliette. D’accord.

n(18 heures)n

Allez-y, Mme la députée de Joliette. Désolé de vous avoir interrompue.

Mme Hivon: En fait, je voulais simplement savoir, là, de la ministre: Dans l’éventualité où le projet de loi n° 9 serait adopté à cette session-ci, est-ce qu’il est de son intention… Parce qu’on ne peut pas présumer évidemment de la décision de l’Assemblée nationale, qui est suprême. Est-ce qu’il est de son intention de faire en sorte que la sanction soit donnée le plus rapidement possible, donc avant l’été?

Mme Weil: Absolument.

Mme Hivon: Absolument? Parce qu’évidemment il y a des instances en cours, il y a beaucoup de gens qui suivent ça attentivement, et on sait qu’il y a certaines instances qui estiment être des exemples de poursuites-bâillons qui doivent procéder dès l’automne, donc d’où l’intérêt, je pense, que, s’il est adopté cette session-ci, que sa sanction et son entrée en vigueur se fassent très rapidement.

Mme Weil: J’apprécie la question, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): L’article 7 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Articles en suspens

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Adopté. Nous avions suspendu l’étude des articles… 1, entre autres. Donc, est-ce que vous avez besoin, Mme la députée de Joliette, d’un rafraîchissement sur l’article 1, ou ça vous va?

Mme Hivon: Non, en fait, j’ai juste une petite question sur le libellé du troisième considérant.

Une voix: …préambule.

Mme Hivon: Oui. Ah! excusez-moi, excusez-moi. On va à l’article 1 plutôt qu’aux considérants. Oui, c’est ça, c’est toute la question de l’appel. Donc, je voulais qu’on passe à travers les articles vraiment de fond, là, notamment 54.3. En fait, je comprends que l’appel, il ne va s’appliquer que dans le cas où on estime qu’on est face à une demande abusive et qu’il y a rejet de la demande. Dans le cas où ? on fait toujours nos cas de figure, là ? dans le cas où l’abus invoqué via requête n’est pas jugé fondé, donc on estime qu’il n’y a pas abus et qu’il n’y a pas rejet de l’instance, la partie défenderesse, en l’occurrence, n’a pas le droit d’en appeler de cette décision-là du tribunal. Je voudrais qu’on me confirme si on dit qu’il n’y a pas abus.

Mme Weil: Ça devient un jugement interlocutoire, donc soumis aux règles d’appel. Puis il faudrait que je les revoie… Donc, c’est ça, c’est les règles habituelles de l’article 29 qui vont s’appliquer. Je veux juste prendre mon article 29:

«Est également sujet à appel, conformément à l’article 511, le jugement interlocutoire de la Cour supérieure ou celui de la Cour du Québec mais, s’il s’agit de sa compétence dans les matières relatives à la… ? bon, alors:

«1° lorsqu’il décide en partie du litige;

«2° lorsqu’il ordonne que soit faite une chose à laquelle le jugement final ne pourra remédier ? ce serait le cas; ou

«3° lorsqu’il a pour effet de retarder inutilement l’instruction du procès.»

Mme Hivon: Donc, c’est a contrario qu’il n’y aurait pas d’appel pour une requête qui serait présentée et qui ne serait pas accordée… accueillie par le tribunal, une requête pour faire déclarer d’emblée la procédure ou la demande abusive. C’est ce que je comprends. Vu que le jugement final pourrait venir y remédier, il n’y aurait pas droit à appel si ce que la partie défenderesse invoque n’est pas retenu.

Mme Longtin (Marie-José): …possiblement, oui. Je dis «possiblement» parce qu’on ne sait jamais. S’il est capable de démontrer que le jugement final ne pourra jamais y remédier ou qu’il subit un préjudice, bien là la cour d’appel pourrait toujours donner l’autorisation. Alors, ça va dépendre de son…

Une voix: …des faits.

Mme Longtin (Marie-José): …de son appréciation des faits, et tout ça.

Mme Hivon: Parce que ma question, c’est précisément celle-là. C’est que, vu qu’on est en matière de poursuites abusives et que, par exemple, on pourrait ne pas donner droit, d’emblée, à la requête de la partie défenderesse et dire qu’on n’est pas face à un abus clair mais qu’il pourrait, par exemple, y avoir apparence d’abus, la partie qui se voit rejeter sa requête pour faire déclarer que c’est abusif n’a pas la possibilité, à première vue, des premiers commentaires de la ministre, d’aller vraiment en appel parce qu’on estimerait que c’est interlocutoire et que donc le jugement final peut venir remédier.

Est-ce que je comprends que c’est l’interprétation que vous en faites à ce stade-ci, que ce serait plutôt exceptionnel de penser que la Cour d’appel…

Mme Weil: Je pense que ça revient…

Mme Hivon: …pourrait donner la permission?

Mme Weil: C’est ça. Je pense que ça revient vraiment au juge de déterminer la nature, comme on disait, la nature des procédures et que de permettre un appel serait un peu peut-être abusif en soi, dans le sens… Le juge a déjà déterminé qu’il ne s’agit pas d’une procédure abusive, alors en soi ça… Donc, il est vraiment, il ou elle, dans la meilleure position pour évaluer tout ça.

Une voix: …

Mme Weil: C’est ça, ça ne paraît même pas abusif. C’est ça.

Mme Hivon: Il pourrait y avoir ? je veux bien qu’on se comprenne ? il pourrait y avoir, pas de… c’est-à-dire que la requête pourrait ne pas être accueillie, mais le tribunal pourrait quand même estimer qu’il y a apparence d’abus et prendre certaines mesures de gestion d’instance ou provision pour frais, avec la demande qui suit son cours parce qu’elle n’a pas été rejetée, parce qu’on estimait qu’il n’y avait pas un abus clair. Mais il y a des mesures qui pourraient être prises en vertu de 54.3 pour mieux encadrer l’instance.

Mme Weil: Il faudrait qu’il y ait apparence d’abus, par exemple, pour invoquer ça. Puis dans ce cas-ci c’est vraiment qu’il n’y a pas même apparence d’abus… que la défenderesse en… abuse un peu, dans le sens que c’est exagéré.

Mme Hivon: En fait, je ne vous suis pas quand la ministre dit qu’on n’est même pas dans un cas possible parce qu’il n’y aurait même pas apparence d’abus. Il pourrait y avoir quand même apparence d’abus. C’est-à-dire que, moi, je pars du point: Est-ce que la partie défenderesse qui voit sa requête rejetée a un droit d’appel? La réponse que vous me faites, c’est: Non, en théorie, parce qu’on estime qu’on est en interlocutoire et que donc le jugement final pourrait probablement venir remédier, donc… sauf si elle est capable de plaider. Mais, même si sa requête est rejetée, on pourrait quand même estimer… en vertu de 54.3, le tribunal pourrait quand même venir dire, en vertu du deuxième alinéa, sur lequel on a passé beaucoup de temps, qu’il y a apparence d’abus, qu’il n’a pas rejeté mais qu’il prend des mesures pour s’assurer d’une bonne gestion, la provision pour frais, et tout ça.

En fait, mon souci, c’est que, dans un premier temps, il est possible quand même que les tribunaux se donnent une certaine marge de manoeuvre, osent moins rejeter les procédures d’emblée. Et, du fait qu’il n’y aurait possiblement pas de droit d’appel pour la partie défenderesse et qu’on est en droit nouveau, je veux juste m’assurer que la notion d’apparence d’abus va quand même entrer en jeu et qu’il va pouvoir y avoir toutes les mesures de provision pour frais, puis tout ça, là.

Mme Weil: Oui.

Mme Hivon: O.K. Parfait. Moi, ça clarifie ce que je voulais clarifier.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. L’article 1 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Adopté. Donc, est-ce que… Donc, au préambule du projet de loi, il y avait des discussions à y avoir. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui, en fait, une petite question. Dans le troisième considérant, on dit: «Considérant l’importance de favoriser l’accès à la justice pour tous les citoyens et de veiller à favoriser un meilleur équilibre dans les forces économiques des parties…» Je me demandais tout simplement pourquoi on a un peu voulu atténuer en disant «et de veiller à favoriser» plutôt que pas… juste «et de favoriser». Parce qu’on dit «favoriser l’accès à la justice» et «favoriser un meilleur équilibre», ce qui me serait apparu plus fort comme message que «de veiller à favoriser». Pourquoi la nuance?

Mme Weil: Moi, je pense que… Dans le sens qu’un juge ne pourra jamais assurer l’équilibre, je pense que c’est par prudence qu’on a mis ça, c’est-à-dire qu’il ne peut juste que tenter de favoriser. Il n’y a rien que le juge peut faire pour absolument assurer un meilleur équilibre dans les forces économiques. Je pense que c’est subtil, là, la différence, et ça pourrait aller dans les deux sens, mais juste… Moi, d’après la manière que je lis ces mots-là, c’est qu’un juge ne peut pas de lui-même, ou d’elle-même, s’assurer d’un meilleur équilibre. Il peut juste veiller…

Mme Hivon: …favoriser.

Mme Weil: Il peut favoriser… Même ça, est-ce qu’il peut vraiment? C’est comme une obligation de résultat, un peu, avec le «favoriser». Mais, je vous pose la question, est-ce que le… «veiller à favoriser» ou «favoriser un meilleur équilibre»?

Mme Hivon: Parce que je sais qu’on est dans le détail, là, mais, vu que les considérants risquent d’être utilisés pour référence future, qu’ils vont être partie de la loi, je veux juste qu’on…

n(18 h 10)n

Mme Weil: …donc, est d’accord avec moi, dans le sens que le juge est là à regarder toute la situation. Il n’y a pas vraiment d’obligation de résultat, mais il va tout faire ou elle va tout faire pour s’assurer de l’équilibre. Est-ce que le juge est… Donc, le juge est assis là, à une certaine distance des parties, il va gérer l’instance, il va prendre les décisions nécessaires, il va veiller à favoriser l’équilibre. Il ne peut pas nécessairement… Favoriser l’équilibre, je vois ça vraiment comme un peu une obligation de résultat.

Mme Hivon: Moi, le texte du préambule, je le voyais plus comme… ce sont nos objectifs globaux, ce ne sont pas tant les tâches du juge. Parce que, quand on commence, le premier, c’est: «Considérant l’importance de favoriser le respect de la liberté d’expression…» Donc, ce n’est pas tant le juge lui-même que nous et l’intention, là, du législateur de venir favoriser ce principe-là. Puis on ne dit pas «veiller à favoriser», on dit bien «favoriser».

Mme Weil: C’est vraiment un débat de juristes, à l’époque, sur tout ça et une inquiétude par rapport à l’équilibre. Et, les mots qui ont été utilisés, moi, quand j’ai vu ces mots-là, je les voyais plus dans le sens d’un juge qui est là avec des outils à sa disposition pour s’assurer d’un équilibre. Les mots ne m’avaient pas vraiment… Je n’ai pas vu ça comme limitatif, je n’ai pas vu ça comme une restriction.

Mme Hivon: Je comprends que, si ces mots-là sont là, c’est vraiment par choix vraiment minutieux des mots. Donc, le «veiller» est arrivé là par un souci clair de venir préciser quelque chose, auquel cas, si on peut juste éclairer nos travaux pour dire…

Mme Weil: …ou d’éviter…

Mme Hivon: …dans quel but. Pourquoi le «veiller» est apparu si important à cet endroit-là?

Mme Longtin (Marie-José): …ce sont des considérations très juridiques et aussi pour éviter que ça devienne, au fond, des arguments qui fassent dévier certains débats. Quand on… Je n’ai pas le texte. De mémoire, dans ma tête…

Mme Hivon: En fait, c’est juste que ça m’a frappée parce que, les autres endroits où on met «favoriser», on met vraiment «favoriser»: «favoriser le respect de la liberté d’expression», «favoriser l’accès à la justice», mais on ne met pas «favoriser un meilleur équilibre», on met «veiller à favoriser un meilleur équilibre». Ça fait que je ne voudrais pas que ce soit interprété comme quelque chose qui apparaît moins important, vu tout le débat sur la provision pour frais et le souci qu’on a qu’elle puisse se déployer pleinement.

Mme Longtin (Marie-José): …qu’en même temps on est soucieux de ne pas provoquer d’autres types de demande sur des bases de charte, là, qui pourraient venir, enfin, modifier des équilibres encore un peu fragiles.

Mme Hivon: Sauf qu’on est dans un contexte bien précis d’une loi sur les poursuites abusives et notamment dans le contexte de l’expression…

Mme Longtin (Marie-José): Oui, mais les avocats tirent argument de bien des choses et donc peuvent tirer argument, dans ce cadre-là, pour dévier…

Mme Hivon: …peuvent pas tirer argument de «veiller à», plutôt que «favoriser»?

Mme Longtin (Marie-José): Ça semble, enfin, susciter moins de controverse, oui.

Mme Hivon: Bien, écoutez, je vais me fier aux éminents juristes. J’espère qu’on a raison et qu’il ne pourra pas y avoir des interprétations qui vont être tirées de cette nuance-là.

Mme Weil: C’est la prudence qui a été recommandée dans les expressions. C’est la recommandation et c’est vraiment des juristes du ministère de la Justice qui prônaient prudence, et donc les mots ont été choisis avec intention.

Mme Hivon: D’accord.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va, Mme la députée de Joliette? Est-ce que le préambule du projet de loi est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Adopté. Est-ce que le titre du projet de loi est adopté?

Mme Hivon: Adopté.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Adopté. Donc, je vais proposer une motion de renumérotation, compte tenu de l’introduction de l’article 6.1. Donc, la motion de renumérotation est-elle adopté?

Une voix: Adopté.

Remarques finales

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Adopté. Nous en sommes donc à l’étape des remarques finales. Mme la députée de Joliette, la parole est à vous.

Mme Weil: Bon. Alors, très rapidement…

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la députée de Joliette.

Mme Weil: Oh! Excusez-moi.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon: Oui. Alors, bien, rapidement, je pense qu’on a fait du bon travail, constructif, minutieux, mais je pense que le sujet et l’importance du projet de loi nous le commandaient. On est dans un domaine, comme je le disais d’entrée de jeu, de droit nouveau, alors on a beaucoup d’espoir, comme parlementaires, d’investi dans ce projet de loi là. On est conscients que le Québec va devenir possiblement un modèle avec ce projet de loi là. Donc, je pense qu’il était important de s’assurer que tous les mots étaient bien choisis et que tous les effets que l’on voulait qu’ils soient portés dans le projet de loi le soient.

J’aurais aimé à certains égards, comme je l’ai exprimé, qu’on aille un peu plus loin pour établir encore plus clairement l’intention du législateur, pour s’assurer que les tribunaux aillent dans le sens qu’on le souhaite dans l’interprétation du projet de loi. Je suis par ailleurs satisfaite du fait qu’on va avoir un processus d’évaluation qui va venir nous dire, dans trois ans et demi, où on en est et quels ont été les résultats, concrètement, de l’application de ce projet de loi là parce qu’on sait qu’il y a déjà des causes qui vont vouloir venir tester à très court terme les dispositions du projet de loi. Alors, je pense qu’on peut être heureux du travail constructif qui s’est fait et on peut être heureux aussi que le Québec se dote d’un projet de loi progressiste et qui devrait favoriser beaucoup le débat public, la liberté d’expression et par le fait même le progrès de nos idées et de notre vitalité démocratique.

Donc, en terminant, je voudrais simplement remercier tous les membres de la commission, M. le président, M. le secrétaire évidemment, Maxime Couture, qui m’accompagnait, les députés de l’opposition, évidemment la ministre, et les membres de son cabinet, et les légistes, qui nous ont porté assistance et qui nous ont fait bénéficier de leurs lumières et de leur savoir. Donc, merci à tous.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci à vous, Mme la porte-parole de l’opposition officielle en matière de justice. Mme la ministre, à vous la parole.

Mme Kathleen Weil

Mme Weil: Très rapidement, alors, je voudrais remercier beaucoup les députés qui sont ici aujourd’hui, Mme la députée de l’opposition, le président, le secrétaire, les légistes, absolument, aussi. C’est une journée très intéressante, je pense, pour moi, et, je pense, pour ma collègue aussi.

J’apprécie aussi l’article qui a été rajouté à la fin, qui nous permettra de faire une étude, d’analyser, faire une évaluation de l’impact de ce projet de loi et de voir si éventuellement il y a des modifications à apporter.

Donc, c’est du droit nouveau. Je pense qu’il y a beaucoup d’organismes qui vont apprécier le travail qu’on a fait aujourd’hui, apprécier le fait qu’on exerce un leadership important dans un domaine, un créneau évidemment qui touche un des droits les plus importants, liberté d’expression, et d’autres types d’abus de procédure.

Alors, tout simplement, en particulier remercier la députée pour sa collaboration, sa contribution très importante à ce projet de loi. Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la ministre. Donc, merci sincèrement à toutes et tous d’avoir fait de cette commission un succès et l’étude de ce projet de loi là un succès pour cet après-midi. Merci infiniment à mon secrétaire préféré, évidemment.

Et sur ce, la commission ayant accompli son mandat, j’ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 19)

 

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"Sed quis custodiet ipsos custodes?" — Juvénal, Satires, VI, 346.  En français : « Qui nous protègera contre ceux qui nous protègent ? »  In English: " Who will protect us from those who protect us? "

 — Mauro Cappelletti dans Louis Favoreu (dir.), Le pouvoir des juges, Paris, Economica, 1990, p. 115.
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On the “Rule of Law”
“In public regulation of this sort there is no such thing as absolute and untrammelled ‘discretion’, that is that action can be taken on any ground or for any reason that can be suggested to the mind of the administrator; no legislative Act can, without express language, be taken to contemplate an unlimited arbitrary power exercisable for any purpose, however capricious or irrelevant, regardless of the nature or purpose of the statute. Fraud and cor­ruption in the Commission may not be mentioned in such statutes but they are always implied as exceptions. ‘Discretion’ necessarily implies good faith in discharging public duty; there is always a perspective within which a statute is intended to operate; and any clear departure from its lines or objects is just as objectionable as fraud or corruption.”

— Mr. Justice Ivan Cleveland Rand writing in the most memorable passage in Roncarelli v. Duplessis, [1959] S.C.R. 121 at the Supreme Court of Canada, page 140.
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The social tyranny of extorting recantation, of ostracism and virtual outlawry as the new means of coercing the man out of line, is the negation of democracy.

— Justice Ivan Cleveland Rand of the Supreme Court of Canada, Canadian Bar Review (CBR)
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Fears are mounting that the psychiatrist Anatoly Koryagin is near to death in the notorious jail of Christopol in central Russia. Letters that have reached the West from his wife and a friend indicate that he is so weak that unless he is given expert medical care he could die at any time. Dr. Koryagin has been in prison for the last four years for actively opposing the political abuse of psychiatry. The abuse takes the form of labeling dissidents as mad and forcibly treating them with drugs in mental hospitals.   ― Peter B. Reddaway, "The Case of Dr. Koryagin", October 10, 1985 issue of The New York Times Review of Books
"If we were lawyers, this would be billable time."
A Word on Caricature
“Humor is essential to a successful tactician, for the most potent weapons known to mankind are satire and ridicule.”

— “The Education of an Organizer”, p. 75, Rules for Radicals, A Practical Primer for Realistic Radicals by Saul Alinsky, Random House, New York, 1971.

I am no fan of Saul Alinsky's whose methods are antidemocratic and unparliamentary. But since we are fighting a silent war against the subversive Left, I say, if it works for them, it will work for us. Bring on the ridicule!  And in this case, it is richly deserved by the congeries of judicial forces wearing the Tweedle suits, and by those who are accurately conducting our befuddled usurpers towards the Red Dawn.

— Admin, Judicial Madness, 22 March 2016.
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