Carrier c. Morency  (2005)

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Date : 2005-02-21
Dossier : 200-32-032784-034
Référence : Carrier c. Morency, 2005 CanLII 11268 (QC CQ), consulté le 2015-12-15

JB2754

COUR DU QUÉBEC
« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE QUÉBEC
LOCALITÉ DE QUÉBEC

« Chambre civile »

N° : 200-32-032784-034

DATE : 21 février 2005

__________________________________

SOUS LA PRÉSIDENCE DE
L’HONORABLE
RAOUL P. BARBE

__________________________________

JÉRÔME CARRIER, 1085, avenue de la Tour Québec, Qc G1R 2W8
demandeur

c.

ROY MORENCY, 4474 rue Des Cyprès, Charlesbourg Qc G1C 1S8
défendeur

__________________________________

JUGEMENT

__________________________________

[1] Par une demande judiciaire signifiée le 30 juin 2003, le demandeur réclame 7 000 $ en dommages-intérêts pour abus de droit.

LES FAITS

[2] Le défendeur a subi un accident le 14 octobre 1979. Depuis de nombreuses décisions quasi-judiciaires et de nombreux jugements ont été rendus concernant le défendeur.

[3] En 1992, ce dernier retient les services du demandeur en raison de son insatisfaction concernant quatre décisions du Bureau de révision de la CSST pour un appel à la CAS. Cette dernière rejette l’appel.

[4] Insatisfait du travail du demandeur, le 1er mai 1996, il dépose à la Cour supérieure une réclamation de 62 000 $. Le 25 févier 1997, le défendeur amende sa réclamation pour la porter à 935 866 $.

[5] Les 6, 7, 8 et 9 janvier 2003, la cause est entendue par la juge Louise Moreau qui rend jugement le 20 janvier 2003, en soulignant la quérulence de Morency ainsi que le caractère abusif de la poursuite intentée; elle rejette l’action de Morency tout en réservant les droits et recours de Carrier.

[6] Selon la juge, la frivolité du recours de Morency a été démontrée lors de l’audition et ce dernier était parfaitement conscient de l’absence de base juridique des reproches qu’il adressait à Carrier.

[7] Dans cette action, Morency a déposé quelques 200 pièces dont la plupart n’avaient aucun lien avec la cause.

[8] Selon la juge Moreau, la façon de procéder de Morency consiste à invoquer n’importe quoi, jusqu’à ce que le contraire soit démontré.

[9] La juge commente aussi le comportement de Morency qui, depuis plus de 20 ans, passe beaucoup de son temps devant les tribunaux, ce qui lui a permis de connaître les rouages du système judiciaire qu’il utilise au maximum.

[10] La juge Moreau réfère à une trentaine de décisions de toutes les compétences démontrant l’insatisfaction de Morency quant à son taux d’incapacité partielle permanente de 7.5 % dont 5 % de défaut psychiatrique et 2.5 % d’inaptitude à reprendre son travail :

« 9. Depuis [le 14 octobre 1979] des dizaines de décisions judiciaires ou quasi-judiciaires ont été rendues dans ce dossier. Près de 30 décisions ont été déposées pour cette audition.

10. Plus de 30 rapports médicaux et expertises ont été déposés, dont plusieurs analysés et commentés.

[11] Quant aux prétendues fautes reprochées, la juge conclut clairement qu’« aucune faute, de quelque nature que ce soit, ne peut être retenue » contre Carrier ( par. 44 ).

[12] Le 27 février 2003, malgré un jugement bien motivé, Morency en appelle du jugement.

[13] Le 3 mars 2003, Carrier met Morency en demeure de lui payer 7 000 $ pour avoir agi de mauvaise foi et avoir intenté des procédures abusives.

[14] Le 30 juin 2003, Carrier intente son action de 7 000 $ contre Morency invoquant des griefs faisant partie de l’action en dommages-intérêts jugée par la juge Moreau dont le jugement a fait l’objet d’une inscription en appel.

[15] Le 8 septembre 2003, le juge Gérald Bossé suspend l’instruction de la demande judiciaire de 7 000 $ de Carrier jusqu’au jugement de la Cour d’appel sur le jugement Moreau.

[16] Le 6 octobre 2003, la Cour d’appel entend la requête en rejet d’appel. Morency demande une remise invoquant qu’il est présentement devant le Comité de discipline du Barreau et qu’il désire avoir la décision de ce Comité avant que la Cour d’appel n’entende la requête. La demande de remise est rejetée. La Cour entend la requête pour rejet et l’accueille rejetant ainsi l’appel de Morency et confirmant le jugement Moreau.

[17] Cette décision de la Cour d’appel aurait dû permettre à Carrier de bénéficier de la paix judiciaire, limiter les inconvénients et préjudices qui lui ont été occasionnés à cause des procédures frivoles et abusives de Morency.

[18] Mais le 29 octobre 2003, Morency dépose en Cour d’appel une requête en rétractation de jugement. L’unique conclusion recherchée par Morency est, à nouveau, une demande de remise « pour attendre la décision du Comité de discipline du Barreau ».

[19] Le 23 janvier 2004, Morency signifie à Carrier une mise en demeure réclamant 500 000 $ tentant ainsi de relancer le débat judiciaire déjà tranché par la juge Moreau.

[20] Le 2 février 2004 a lieu la présentation de la requête en rétractation devant la Cour d’appel. Lors de l’appel du rôle, Morency s’adresse au banc pour obtenir une remise en raison d’un mal de gorge qui, dit-il, diminue l’intonation de sa voix. Cette demande lui est refusée. Au milieu de l’après-midi, avant l’audition de la requête en rétractation, Morency présente au banc une feuille de papier indiquant qu’il n’est plus en mesure de parler. La Cour reporte alors l’audition de la requête en rétractation au 6 février 2004.

[21] Le 6 février 2004, la Cour d’appel est de nouveau saisie de la requête en rétractation. Morency demande une remise parce qu’il aurait de la difficulté à parler, mais il ne produit aucun certificat médical attestant de son incapacité de parler. La demande de remise est rejetée. La Cour procède sur la rétractation et conclut que la requête ne respecte pas les formes ni les exigences de la requête en rétractation, qu’il n’y a pas matière à rétractation et que le motif invoqué est exactement le même que celui exposé en octobre 2003, moyen qui avait été refusé.

[22] Le 5 avril 2004, la Cour d’appel émet une ordonnance de restriction d’accès aux tribunaux à l’encontre de Morency (art. 46 CPC et 51 (2) R.p.c.a.) considérant le caractère vexatoire des procédures déposées dans le dossier d’appel.

[23] Le 27 juillet 2004, le Comité de discipline du Barreau du Québec conclut qu’il n’a aucune hésitation à déclarer la plainte de Morency frivole et sans aucun fondement.

[24] Le 14 septembre 2004, la Cour supérieure émet une ordonnance interdisant à Morency de déposer toute nouvelle procédure impliquant les services professionnels rendus par Carrier et, réserve à ce dernier tous ses droits et recours résultant des procédures abusives et vexatoires que Morency a entreprises contre lui.

MOTIF DU JUGEMENT

[25] Tout justiciable a le droit fondamental de s’adresser à la justice pour préserver ses droits ou obtenir réparation lorsque ceux-ci ont été lésés. Tout justiciable est tenu, dans les limites et conditions posées par la loi, d’utiliser tout recours ou remède, toute action ou procédure prévus à cet effet. La sanction normale de l’échec d’une action ou procédure est uniquement la condamnation aux dépens :

477. La partie qui succombe supporte les dépens, frais du sténographe compris, à moins que, par décision motivée, le tribunal ne les mitige, ne les compense ou n’en ordonne autrement.

Le tribunal peut également, par décision motivée, mitiger les dépens relatifs aux expertises faites à l’initiative des parties, notamment lorsqu’il estime que l’expertise était inutile, que les frais sont déraisonnables ou qu’un seul expert aurait suffi.

[…]

[26] L’exercice du recours judiciaire peut cependant donner lieu à des abus. Dans ce cas, outre la condamnation aux dépens, l’abus peut justifier une réparation pécuniaire pour le préjudice subi. C’est l’objet de la présente demande judiciaire. Le demandeur soutient que Morency a entrepris des procédures judiciaires abusives et sans fondement, qui lui ont causé de multiples inconvénients tant financiers, professionnels que personnels, en plus d’engendrer des coûts très élevés reliés au fonctionnement du système judiciaire.

[27] À cet égard, la preuve établit que Morency, de mauvaise foi et conscient même du fait qu’il n’a aucun droit à faire valoir, se sert de la justice comme s’il possédait véritablement un droit. Il utilise les mécanismes judiciaires sans cause raisonnable.

[28] La preuve établit que la multiplication des procédures abusives qu’utilise Morency a donné lieu à des ordonnances des restrictions d’accès aux tribunaux, le déclarant plaideur vexatoire et en lui interdisant d’intenter de nouveaux recours sans une autorisation judiciaire préalable.

[29] Le 20 janvier 2003, la juge Louise Moreau rendait un jugement dans lequel elle retrace l’historique des nombreuses procédures intentées par Morency à la suite de son accident de travail du 14 octobre 1979, et elle reprend les propos que plusieurs juges ont appelé la « saga judiciaire » entreprise par Morency. Au sujet du comportement de Morency la juge Moreau écrit :

« 46. La preuve de plusieurs jours a réussi à démonter la frivolité du recours de [Morency].

47. [Morency] savait parfaitement bien que ce qu’il reproche à Me Carrier ne tient pas et n’a aucune base juridique.

48. Il a, de plus, contesté le compte d’honoraires du défendeur, il a porté plainte contre lui au Barreau, et en a appelé de la décision de rejeter sa plainte.

49. Non satisfait, il le poursuit au civil devant notre Cour, occasionnant des heures d’interrogatoire déposant près de 200 pièces dont plusieurs, sinon la plupart, n’ont absolument aucune relation avec la cause.

50. Monsieur Morency a eu le loisir de s’exprimer pendant plus de deux jours avec peu d’interruptions, ce qui m’a permis de réaliser que sa façon de procéder était de dire n’importe quoi jusqu’à ce que la preuve contraire en soit faite.

51. Monsieur Morency, depuis plus de 20 ans, passe une bonne partie de son temps devant les tribunaux, de toutes les compétences.

52. Il en connaît le rouage et utilise le système à son grand maximum.

[…]

56. Cet essai de soutirer des dommages à son avocat est faite de mauvaise foi et ne visait qu’à augmenter directement son taux d’incapacité à 100 %, car c’est exactement ce qu’il réclame à Me Carrier.

[…]

58. L’insatisfaction de [Morency] de toutes les décisions est presque maladive et engendre des coûts faramineux à toute la société.

59. La quérulence du demandeur exige que j’accorde la demande de déclarer cette poursuite abusive et que je réserve les recours [de Carrier].

[30] Dans sa décision du 27 juillet 2004, le Comité de discipline du Barreau du Québec concluait qu’à la lumière et suite à l’analyse des nombreuses décisions rendues, il n’entretient aucune hésitation à déclarer que la plainte disciplinaire est frivole et sans aucun fondement.

[31] La preuve établit que toutes ces procédures judiciaires, abusives et sans fondement entreprises par Morency, ont causé à Carrier de multiples inconvénients financiers, professionnels et personnels. Il les limite à 7 000 $ bien que, selon lui, ces dommages soient beaucoup plus élevés, s’il compte les heures passées à se défendre contre les procédures vexatoires de Morency.

[32] Le demandeur évalue à 83 heures le temps passé à se défendre contre les procédures abusives de Morency; selon des honoraires de 150 $ l’heure, les dommages matériels sont donc de 12 450 $.

[33] Notons que le demandeur a pris des mesures pour limiter les dommages que lui a causés Morency, en faisant deux requêtes pour l’émission d’une ordonnance de restriction d’accès aux tribunaux à l’encontre de ce dernier; il a obtenu gain de cause devant la comportement manifestement abusif de Morency.

[34] Il invoque aussi les préjudices moraux. L’analyse des facteurs contribuant à l’évaluation des préjudices moraux est complexe. Il les évalue à 3 000 $. Normalement le Tribunal a toute la discrétion judiciaire pour déterminer l’impact financier de la faute d’un débiteur. Mais en l’espèce, le Tribunal n’aura pas à faire cette évaluation puisque les dommages matériels causés par Morency excèdent déjà les 7 000 $ réclamés par le demandeur, (voir Y. M. Morrissette, « Pathologie et thérapeutique du plaideur trop belliqueux » dans Développements récents en déontologie, Éd. Blais, 2001 p.167).

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

CONDAMNE le défendeur à payer au demandeur 7 000 $ plus l’intérêt légal, plus l’indemnité additionnelle à compter de la signification du 30 juin 2003 plus des frais judiciaires de 140 $.

__________________________________

RAOUL P. BARBE, J.C.Q.
 

Date d’audience : 10 janvier 2005

 

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"Sed quis custodiet ipsos custodes?" — Juvénal, Satires, VI, 346.  En français : « Qui nous protègera contre ceux qui nous protègent ? »  In English: " Who will protect us from those who protect us? "

 — Mauro Cappelletti dans Louis Favoreu (dir.), Le pouvoir des juges, Paris, Economica, 1990, p. 115.
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“In public regulation of this sort there is no such thing as absolute and untrammelled ‘discretion’, that is that action can be taken on any ground or for any reason that can be suggested to the mind of the administrator; no legislative Act can, without express language, be taken to contemplate an unlimited arbitrary power exercisable for any purpose, however capricious or irrelevant, regardless of the nature or purpose of the statute. Fraud and cor­ruption in the Commission may not be mentioned in such statutes but they are always implied as exceptions. ‘Discretion’ necessarily implies good faith in discharging public duty; there is always a perspective within which a statute is intended to operate; and any clear departure from its lines or objects is just as objectionable as fraud or corruption.”

— Mr. Justice Ivan Cleveland Rand writing in the most memorable passage in Roncarelli v. Duplessis, [1959] S.C.R. 121 at the Supreme Court of Canada, page 140.
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The social tyranny of extorting recantation, of ostracism and virtual outlawry as the new means of coercing the man out of line, is the negation of democracy.

— Justice Ivan Cleveland Rand of the Supreme Court of Canada, Canadian Bar Review (CBR)
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Fears are mounting that the psychiatrist Anatoly Koryagin is near to death in the notorious jail of Christopol in central Russia. Letters that have reached the West from his wife and a friend indicate that he is so weak that unless he is given expert medical care he could die at any time. Dr. Koryagin has been in prison for the last four years for actively opposing the political abuse of psychiatry. The abuse takes the form of labeling dissidents as mad and forcibly treating them with drugs in mental hospitals.   ― Peter B. Reddaway, "The Case of Dr. Koryagin", October 10, 1985 issue of The New York Times Review of Books
"If we were lawyers, this would be billable time."
A Word on Caricature
“Humor is essential to a successful tactician, for the most potent weapons known to mankind are satire and ridicule.”

— “The Education of an Organizer”, p. 75, Rules for Radicals, A Practical Primer for Realistic Radicals by Saul Alinsky, Random House, New York, 1971.

I am no fan of Saul Alinsky's whose methods are antidemocratic and unparliamentary. But since we are fighting a silent war against the subversive Left, I say, if it works for them, it will work for us. Bring on the ridicule!  And in this case, it is richly deserved by the congeries of judicial forces wearing the Tweedle suits, and by those who are accurately conducting our befuddled usurpers towards the Red Dawn.

— Admin, Judicial Madness, 22 March 2016.
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